Boum boum… les battements de mon cœur résonnaient dans chacune de mes artères et dans chacune de mes veines… Boum boum… martelant mes tempes sans me laisser le moindre répit… Boum boum… Cela s’était accentué davantage lorsque l’on nous avait amené cet accidenté de la route… Boum boum… Je n’y comprenais rien, c’était comme si j’avais soif de ce sang… Boum boum… Entre cette sensation, et les douleurs qui s’accentuaient, je ne parvenais presque plus à me concentrer sur mon objectif : quitter l’hôpital et rentrer à la maison avant de perdre totalement le contrôle de moi-même, comme l’autre fois. Malgré tout, j’étais parvenue à atteindre le parking, mais le chemin jusqu’à ma voiture me semblait insurmontable. La douleur empirait encore, comme si quelque chose me broyait les viscères, et je finissais par ne plus avancer du tout, prenant appui sur le capot d’une voiture pour ne pas m’écrouler. Pourquoi ?

Alors que les larmes montaient d’elles-mêmes, j’essayais d’attraper mon téléphone pour appeler Jackson. Je composais le numéro abrégé qui lui correspondait, priant pour qu’il décroche. Mais chaque tonalité supplémentaire abattait un peu plus mes espoirs. Je tombais une première fois sur le répondeur et raccrochais sans laisser de message pour relancer un appel immédiatement. Il ne répondait pas plus, et en désespoir de cause, je m’accordais à lui laisser un message.

« Jackson, ça recommence… »

Les battements de mon cœur se faisaient de plus en plus oppressants, et je me retrouvais finalement assise par terre auprès de la voiture qui m’avait servi d’appui quelques instants plus tard. Il fallait que je me concentre pour faire taire cette sensation de vouloir me nourrir de sang, que je m’apaise… Rien n’y faisait pourtant, et d’une façon tout à fait involontaire j’usais une fois encore de mon don. Ce fut d’abord un, puis deux, puis quatre et finalement six papillons bleus que je métamorphosais sous mes yeux. Et une fois encore, cela ne faisait que renforcer cette sensation de soif, et les douleurs qui y étaient associées…

« Stop, stop, stop… pitié, stop… » Suppliais-je une fois encore, pourtant persuadée que personne ne répondrait à ma prière.

Il était tard, mais c'était bientôt la fin de la garde de Matthew et j'avais décidé de lui faire une petite surprise. Nous sortions ensembles depuis un petit moment maintenant et s'il y avait une chose que j'avais apprit en fréquentant un médecin, c'était de profiter de tous les petits moments possibles. Il avait des horaires compliqués, travaillait énormément... Suffisamment pour qu'il me manque sans arrêt et pas assez pour que je ne comprenne pas pourquoi je me devait de faire ce sacrifice. Son travail était important, les gens qu'il sauvait... J'aurais été mal placée qui plus est entre mon job et la résistance pour critiquer ses responsabilités et son planning.

J'avais garé ma voiture sur le parking de l'hôpital et récupéré le sac du paradise que j'avais posé sur le siège passager. J'avais posé le tout sur le toit de ma voiture le temps d'enfiler ma veste et m'apprêtait à récupérer notre dîner quand j'entendais quelque chose. Une discussion ? Une... supplique ?

« Stop, stop, stop… pitié, stop… »

Je m'étais sitôt éloignée de ma voiture pour trouver l'origine de ces plaintes et j'étais restée un instant bouche bée en trouvant celle qui les prononçaient encore et encore en boucle. La jeune femme était assise sur le sol, recroquevillée, adossée contre une voiture alors que des... papillons bleus virevoltaient devant elle. Des papillons ? Maintenant ? Des... Ils n'étaient pas naturels, j'en aurait mit ma main à brûler. Et quand ils avaient disparus comme par magie... J'avais eu confirmation. La peur sur le visage de la femme par contre, était toujours là. Et ses prières... Je m'approchait doucement, prenant garde de ne pas l'effrayer d'avantage et restant sur mes gardes sachant que j'avais à faire à quelqu'un de pas tout à fait... normal.

« Hey... » A présent plus près je pouvais voir son visage et je me souvenais d'elle. Une infirmière qui travaillait souvent avec Matt. Cal... Ca...

« Cahan ? C'est bien ça votre prénom, non ? Je... vous vous souvenez de moi ? Elena ? Wyatt ? Je suis... l'amie du Docteur Hamilton. Matthew. Est-ce que ça va ? Je peux vous aider ? »

Elle semblait tremblante, avoir du mal à rester calme et j'ignorais si c'était à cause de la peur ou de cette chose qui la poussait à supplier ou s'il y avait quelque chose d'autre. Mais je m'étais approchée sans trop prendre de risque, m'accroupissant à une distance raisonnable histoire que, si danger il y avait, j'ai le temps de réagir.

« Je peux t'aider ? » Répétais-je, la tutoyant finalement, souhaitant mettre un peu moins de distance dans mon geste.

Pourquoi étais-je donc dans un tel état ? Je ne parvenais pas à comprendre ce qui m’arrivait : ni les pulsions qui me prenaient, ni les douleurs qui m’assaillaient. Je demandais pitié, à quiconque voulait bien l’entendre, mais cette prière trouverait-elle une oreille attentive ? J’en avais aucune idée, mais prise par la détresse, je n’avais qu’une seule possibilité : m’accrocher au fol espoir que ma supplique soit entendue et que mes douleurs se tarissent.

Malgré les douleurs et malgré cette pulsion de vouloir sauter à la gorge de la première personne venue, j’essayais tant bien que mal de reprendre le contrôle. Il fallait que je libère les papillons que mon esprit avait matérialisés malgré moi, car l’utilisation de mon pouvoir, même involontaire, ne faisait qu’accentuer les effets néfastes que je ressentais. Je redoublais d’efforts, à tel point que les nouvelles larmes qui perlaient à mes yeux coulaient le long de mes joues, en même temps que les papillons s’estompaient de ma vision.

Jackson… j’avais besoin de Jackson. J’avais pourtant peu d’espoir que le rappeler amène à une autre issue que la précédente. Je serrais le téléphone dans ma main, et alors que je m’apprêtais à le rappeler malgré tout, d’autres battements de cœur me parvenaient aussi violemment qu’une claque en même temps qu’un « Hey » qui me faisait sursauter. Je tournais la tête vers cette voix féminine, les yeux remplis de larmes et la voix tremblante.

« Vous approchez pas de moi… » Suppliais-je avant qu’elle ne s’adresse à moi, en utilisant mon prénom.

Sur le moment, j’étais bien trop concentrée à ne pas lui répondre aux pulsions qui me prenaient pour réaliser que j’avais déjà rencontré cette femme. Même le prénom ne m’interpellait pas sur le moment, je fermais les yeux alors que j’employais toute ma volonté pour me contrôler. Qu’avait-elle dit ? Elena Wyatt ? L’amie de Matthew… oui, il me l’avait rapidement présentée un soir.

« J’veux pas vous faire de mal, allez-vous en… »

Les douleurs s’intensifiaient encore, et je serrais les dents… Boum boum… je serrais mon téléphone dans la main… Boum boum…

Les réponses de la jeune femme étaient du même accabi. Elle voulait que je m'éloigne, que je la laisse. Pourtant elle suppliait, mais qui ? Dieu ? Si elle voulait qu'on l'aide, peut-être que j'étais arrivée ici à cet instant précis pour une raison. Et après avoir vu son pouvoir, son état... Maintenant ses mots... Elle craignait me faire du mal et semblait en manque. Tous les signes étaient là et je m'en voulais de ne pas l'avoir vu de suite. Ça ne faisait qu'un mois environ que ce fléau sévissait, mais... j'aurais du comprendre. Spécialement avec Nathan ou encore les missions réalisées après ces vagues de meurtres sanglants. J'aurais pu dire drogué en manque s'il n'y avait pas eu ces papillons, mais là... Il n'y avait qu'une réponse logique et je la laissait sortir comme pour me rassurer.

« Tu es une nephelim... C'est ça ? »

Je reculais d'un pas, non pas par crainte, mais par jugeote. Si elle devait faire un pas pour m'atteindre moi et ma jugulaire, deux était encore mieux. Je réfléchissais rapidement, essayant de trouver une solution pour l'aider et l'éloigner de ce lieu qui était certainement tout sauf idéal quand on avait soif de sang.

« Ne t'en fais pas, tu n'es pas le premier que je croise. J'ai... je suis en train de penser à un réseau pour... Je peux t'aider. Il faut juste que tu tiennes suffisamment longtemps pour que je trouve de quoi le faire. »

Nous avions des poches au QG pour Nathan, il n'y en avait pas grand nombre, mais... c'était comme ça que j'avais trouvé l'idée du réseau de sang. Il suffisait de démons de prélever le sang et voila. Et il me fallait une poche du sang qu'on réservait pour Nathan, vite. Je sortait alors mon téléphone et envoyait un sms à Lawrence que j'avais quitté au QG et qui devait encore y être. Union station. Parking. 10 minutes. Apporte des poches de sang.

« Cahan, je m'occupe de tout ok. Ça va aller. Il faut juste que tu viennes avec moi. Dans dix minutes, je te promets que tout ira mieux. Est-ce que tu peux faire ça ? Venir et... tenir 10 minutes ? »

Boum boum… Les battements de mon cœur résonnaient de plus en plus dans mon esprit… Boum boum… ils en devenaient si insupportables que me contenir était actuellement la pire épreuve que j’avais eue à vivre durant toute mon existence… Boum boum… il fallait seulement que je parvienne à me concentrer sur autre chose que ces battements. Les mots d’Elena peut-être ? J’essayais de n’écouter que ce qui sortait de sa bouche, quand bien même l’effort était titanesque. Me concentrer seulement sur les mots et sur les réponses à fournir, et non pas sur l’envie grandissante de lui sauter à la gorge pour faire taire les douleurs et les battements de cœur. Elle me posait une question, est-ce que j’étais quoi ?

« Une quoi ? » Demandais-je la voix tremblante alors que je déglutissais difficilement après avoir fermé les yeux avec force pour contenir une autre vague de douleurs qui me submergeaient.

Elle continuait, mais son discours n’avait que très peu de sens pour moi. Je n’étais pas la première personne qu’elle croisait dans un état pareil, elle mentionnait un réseau mais ne semblait pas certaine de ce qu’elle voulait dire. J’avais déjà du mal à suivre lorsqu’elle faisait une phrase claire… Mais j’entendais quatre mots salvateurs : « Je peux t’aider. » ; et aussitôt je tournais la tête et le regard vers elle. M’aider ? Vraiment ?

« Vous… vous savez ce qui m’arrive ? »

Elle semblait le savoir en tout cas, même si j’avais cruellement du mal à suivre tout ce qu’elle me disait. Les douleurs et les battements de cœur encombraient toujours mon esprit, quand bien même j’essayais d’en faire abstraction. Je prenais une profonde inspiration pour essayer de contrôler davantage la douleur, et de garder l’esprit aussi clair que possible, alors qu’Elena me promettait que tout irait bien, qu’il me suffisait de tenir dix minutes de plus…

« Je… j’sais pas… je… » Seulement dix minutes, ça paraissait long et insurmontable mais j’avais réussi à tenir plus longtemps que ça la fois dernière, et je n’avais pas la moindre solution cette fois-là, alors qu’Elena semblait l’avoir… « Oui, j’peux… j’peux le faire. » Lui assurais-je alors, mais je doutais pouvoir tenir plus longtemps après ça.

Elle disait pouvoir tenir dix minutes et franchement, je n'en était pas réellement sûre. Mais... quel autres choix j'avais ? La laisser là pour qu'elle attaque et tue quelqu'un ? La laisser mourir ? La tuer ? Des choix qui auraient pu être envisagés si seulement je ne la connaissait pas. Si elle n'était pas une connaissance de Matthew et si... il n'y avait pas eu que ma vie en danger. Une vie pour une vie ? Je pouvais prendre des décisions difficiles pour le groupe, parce que c'était nécessaire, mais... Je ne pouvais pas l'abandonner ou choisir une autre de ces options.

Dix minutes, et il faudra bien qu'elle tienne ! Songeais-je en faisant l'impensable. Je me rapprochait pour l'aider à se relever et l'accompagner jusqu'à ma voiture. Si elle ne tentait pas de m'arracher la trachée là maintenant... elle tiendrait ? J'avais une petite théorie qui se formait dans ma tête, une qui me disait que si je la distrayait et tentait de la garder concentrer sur autre chose, ce serait peut être un peu plus simple pour elle. Et plus facile de survivre.

« Tu me demandais si je savais ce que tu es. Tu veux dire que tu ne sais pas ? »

J’attrapais tant bien que mal mes clefs de voiture et ouvrait avec le bouton d'ouverture centralisée. Puis la soutenais jusqu'à la portière passager. Je préférais que la place du mort la dissuade possiblement de nous mettre en danger en m'attaquant, plutôt que la savoir dans mon dos. Oui, décision validée !

« Ça fait un mois, c'est... sûrement pas la première fois que tu as soif. Non ? Tu... qu'est-ce que tu sais au juste ? » Je l'aidais à s’asseoir et m'éloignait d'elle avec une certaine joie, je devais l'admettre. Puis je contournais la voiture et me mettais rapidement du coté conducteur.

« Est-ce que ça va aller ? »

Boum boum… ces battements allaient-il s’arrêter de marteler mes tempes ? J’étais de plus en plus oppressée par le rythme incessant qui résonnait dans tout mon être, et une petite voix me murmurait qu’il suffisait de céder à toute cette pression pour être libérée de son emprise et des douleurs qui m’assaillaient... Jamais ! Je ne voulais pas céder, je ne voulais blesser personne, il fallait que je tienne. Elena m’avait demandé encore dix minutes d’effort… dix petites minutes, ça semblait tellement facile, et tellement insurmontable pourtant.

Elena se rapprochait de moi, pour m’aider à me relever, et les battements de cœur s’intensifiaient avec cette proximité. J’y mettais toute ma volonté, toute la force qui me restait pour ne pas céder à cette pression. Concentre-toi sur autre chose, Cahan… Cette phrase était devenu un mantra, je me le répétais pour ne pas lâcher prise mais cela demeurait vraiment de plus en plus difficile. Elena me posait alors une question, essayait-elle de concentrer mon attention sur autre chose ? Une vague de douleurs m’empêchait de répondre dans l’immédiat, et je serrais les dents pour ne pas gémir… Nous avancions vers sa voiture, et alors qu’elle ouvrait la portière me posant une autre question, j’articulais quelques mots.

« Rien du tout… en dehors des douleurs et… l’envie de sang… qui sortent de nulle part… » Elle me laissait pour contourner la voiture et monter côté conducteur, alors que je serrais un peu plus les dents. Si ça allait ? Non, mais il fallait faire avec. « J’ai mal… » Répondis-je simplement en resserrant ma propre étreinte de mes bras croisés sur mon corps.

Alors qu’elle démarrait, les battements de cœur martelaient de nouveau mon crâne… il fallait que je parle, que je pense à autre chose. Je n’en avais pas le temps qu’un nouveau papillon apparaissait dans l’habitacle. Je soupirais…

« Ah… ça aussi… j’en perds le contrôle de mon pouvoir… »

Cahan ne savait rien, rien du tout. Elle savais qu'elle avait mal, envie de sang, mais ça... c'était évident. Le reste... c'était un noir complet pour elle et j'avais de la peine pour elle. D'infirmière voulant aider les autres, elle passait à vouloir les vider de leur sang, ce sans comprendre pourquoi.

« Je vais essayer de t'éclairer la dessus. Peut-être que ça t'occupera l'esprit en prime. » Fis-je avec une moue voulant l'aider à se détendre. J'allais rebondir sur ma promesse d'explications, éluder le fait qu'elle avait mal et que je ne pouvais pas réellement changer, mais je m'interrompait en route. Happée par les petits papillons bleus qui refaisaient leur apparition.

Je faisait un léger écart sur la route, surprise. Puis reprenait le contrôle avant de tenter une proposition qui serait plus raisonnable pour nous deux.

« Je sais que ce n'est pas très conventionnel, mais... je suis passé dans une boutique juste avant et j'ai une fiole labellisée 'aconitum' dans la boite à gant. Si tu... en avale ne serait-ce qu'une goutte, ça devrait empêcher les... papillons pendant au moins le trajet. »

Plus elle puisait dans son pouvoir, moins j'étais rassurée, soyons honnêtes. Car plus elle se fatiguait, moins je la voyait résister bien longtemps.

« En attendant, je peux te donner quelques explications. Par quoi tu voudrais commencer ? Tu as des questions ? » Lui demander de participer avait deux buts. Que je puisse un tant soit peu me concentrer sur la route, parce que c'était mieux de ne pas avoir d'accident, surtout avec elle à bord. Mais aussi de l'impliquer d'avantage et d'essayer d'orienter son attention sur d'autres choses que sa soif de... mon sang.

M’occuper l’esprit… si seulement cela avait été une solution miracle, mais non. Enfin… ça avait au moins le mérite de m’aider à me contrôler en réduisant les échos d’une soif que je ne comprenais toujours pas, et des pires douleurs que j’avais connues. Plus les douleurs s’intensifiaient, et plus je serrais mes bras autour de moi, comme si j’espérais les contenir et les faire taire.

À cause de mes papillons qui la distrayaient, Elena fit un écart mais se rattrapa bien vite. J’aurai aimé ne pas les faire apparaître, mais plus j’avais soif et plus mon don se manifestait de manière intempestive, malgré tous mes efforts pour le museler. Elena me proposait alors une alternative autre que ma volonté inefficace : de l’aconitum. Sans y réfléchir une seconde, j’ouvrais la boîte à gants pour prendre le flacon et en boire un peu plus qu’une goutte… histoire d’être sûre de ne pas remettre ça trop tôt, tandis qu’Elena se proposait de répondre à mes questions. Je l’écoutais attentivement tandis que je m’enfonçais de nouveau dans le siège passager en serrant mes bras toujours plus fort contre moi.

« Tout ce que je sais, c’est que… tout allait très bien avant et que… j’ai commencé à… j’en sais rien, à avoir soif de sang soudainement et… à avoir mal. On… on a cherché avec Jackson, mais personne n’a jamais parlé de… trucs dans ce genre. Et la seule façon qu'on a trouvé pour… pour calmer tout ça, c'était de… me faire boire du sang… »

Je parlais plus pour ne pas penser aux douleurs et à la soif que pour vraiment poser des questions. Je ne savais même pas quelques questions poser, puisque je ne comprenais rien à tout ça. Tout ce que je voulais, c’était que tout ça s’arrête, qu’on puisse reprendre le cours normal de nos vies.

La nephelim n'avait pas posé de questions et s'était contenté de mon peu d'explications avant de fouiller dans la boite à gants pour sortir l'aconitum. Je devais admettre que ça m'arrangeait, car je n'avais pas spécialement envie de rentrer dans le détail du produit et... vraiment envie qu'elle ne puisse plus s'affaiblir en utilisant ses dons alors que j'étais tout à coté.

J'avais donc vite repris le cours des choses, gardant mon attention sur la route tout en lui proposant de me poser des questions. J'ignorais ce qu'elle savait exactement, elle disait qu'elle ne savait que deux choses, la douleur qu'elle ressentait et le sang qu'elle voulait. Et elle détaillait à présent un peu plus, mais... Toujours sans poser de questions. Moi j'en avait une par contre et je la posait d'ailleurs rapidement :

« Jackson c'est... ? »

Il y avait plusieurs possibilités, mais j'avais tendance à penser petit-ami. J'attendais une réponse avant de m'inquiéter ou l'interroger d'avantage et finissait par lui dire moi même, sans question ce que je savais. Après tout, elle était déjà en plein dedans et elle avait le droit de savoir ce qu'elle était. Et puis... peut-être qu'elle n'était pas en assez bon état pour réfléchir à des questions pertinentes et autre. Je préférait qu'elle se concentre pour ne pas me sauter à la gorge de toute façon.

« Je vais te dire ce que je sais, ça te concerne après tout. Et... tu verras si tu as des questions à ce moment là, ou... quand tu auras bu. » Commençais-je avant de réfléchir légèrement.

« Alors... je l'ai déjà dit tout à l'heure, mais tu es ce qu'on appelle un nephelim. Tu es humaine, cent pour cent humaine, mais... tu as été, comment le dire sans que ça paraisse violent... » J'avais dit la fin un peu plus bas, réalisant qu'il n'y avait pas de bonne manière de dire ça.

« Tu as été nourrie au sang de démon durant ton enfance. C'est ce qui... t'as changée... »

Aussitôt avais-je la potion que m’avait proposée Elena que les papillons avaient tous disparus. N’ayant aucune véritable question à lui poser puisque je ne comprenais rien à toute cette histoire, je me contentais de lui faire part de ce que je savais au sujet de ce qui m’arrivait : rien en somme. Jackson et moi avions beau chercher des explications, il semblait qu’il n’y en existait aucune, ou tout du moins personne n’avait pu nous apporter la moindre réponse. Et je subissais ces crises auxquelles nous ne comprenions rien depuis le début de l’année sans y trouver la moindre échappatoire.

Elena me répondait rapidement, posant tout d’abord une question pour savoir qui était Jackson. Je ne l’avais pas effectivement pas précisé dans mon explication, je n’avais pas jugé l’information plus importante que cela, mais si Elena me posait la question… autant lui répondre.

« Mon petit ami… mon fiancé même. C’est un… un sorcier. » J’avais hésité un instant avant de le lui révéler, mais puisqu’elle semblait savoir ce que j’étais, elle devait aussi connaître l’existence des sorciers, et parce que Jackson ne manquerait pas de rappeler lorsqu’il écouterait mon message.

Après que je lui ai répondu, Elena s’accordait à m’apporter quelques réponses, admettant qu’après tout j’avais le droit de le savoir puisque cela me concernait. Des questions j’en aurai sûrement après, elle avait raison. J’en avais déjà sûrement maintenant, mais la douleur et la soif accaparaient toute mon énergie, je n’avais pas l’esprit assez clair pour savoir quoi demander. Elle m’expliquait alors que j’étais un « nephelim », cent pour cent humaine, mais « nephelim ». La suite lui parut dure à dire, elle semblait hésiter ou ne pas savoir comment m’en faire part. Puis elle lâchait cela, telle une bombe à retardement.

« Quoi ?! » Répliquais-je aussitôt. « Nourrie au sang de démon ? Vous divaguez ou quoi ? Et si c’était arrivé dans mon enfance pourquoi est-ce que ça arriverait maintenant ? »

La réaction de la nephelim me surprenait quelque peu. Que ce soit dur à encaisser... je pouvais le concevoir. Mais elle ne semblait pas me croire alors même qu'elle m'avait avoué être fiancée à un sorcier et avoir envie de boire du sang.

« Je sais que c'est probablement pas ce que vous vouliez entendre, mais... non je ne divague pas. Vous venez de me dire que votre fiancé est un sorcier... que vous aviez soif de sang... je crois qu'on a dépassé le point ou on peut encore prendre l'autre pour une folle, non ? »

Je prenais une longue inspiration, gardant le regard sur la route alors que je répliquais à sa question des plus sceptique.

« De ce que nous savons pour le moment, si ça ne se révèle que maintenant, c'est parce qu'il manquait un élément à votre... transformation. Et dernièrement nous pensons qu'il a été... réalisé. Une enfant à été kidnappée par des démons, à l'hôpital juste après sa naissance. Nous pensons que le tout est lié. Puisque peu de temps après... les premiers cas d'exsanguination ont été rapportés à travers L.A., puis le monde... »

J'avais de plus effectué mes propres recherches grâce aux contacts de la résistance. Missionné du monde la dessus et nous avions même aidé Nathan au mieux. Nous en savions autant que possible en un si court laps de temps. Mais... les sorciers consultés, les démons torturés... tout se suivait logiquement, si je pouvais dire.

« Je me suis renseignée. Je ne dis pas tout ça en l'air. Et... je sais que c'est dur à encaisser, mais... c'est la stricte vérité malheureusement. »

Nourrie au sang de démon ? La phrase ne cessait de résonner dans mon esprit, et à défaut d’être rassurante, elle avait au moins le mérite de me faire oublier ma soif l’espace de quelques instants. Nourrie au sang de démon… Quand ? Comment ? Et pourquoi, bordel de merde ? La révélation d’Elena ne répondait pas vraiment aux questions que je me posais mais que je n’avais pourtant pas formulées. Non, elle en soulevait davantage et je n’arrivais même plus à en suivre le flot incessant.

Toutes ces questions qui se bousculaient dans ma tête me faisaient perdre le fil de notre conversation, alors qu’Elena semblait surprise par ma réaction et me faisait gentiment remarquer qu’on avait dépassé le stade de se prendre pour deux folles…

« Oui bah pardon, je voudrais bien vous y voir… enfin non, pas du tout, c’est pas ce que je voulais dire, je vous le souhaite vraiment pas, c’est… juste une expression stupide. Oubliez ça… » Dis-je, me perdant moi-même dans mes dires, mal à l’aise face à ce que j’avais dit.

Je resserrais ma propre étreinte sur mon torse, autant à cause de la douleur que de la honte d’avoir dit une telle absurdité. J’allais finir par me broyer la cage thoracique si je continuais à serrer aussi fort, il fallait que j’arrête… mais j’avais tellement mal et soif aussi. Je déglutissais difficilement, et tentais de recentrer mon attention sur les explications d’Elena.

« Et alors quoi ? Ils lui ont fait quelque chose et certaines personnes se transforment en vampires de temps modernes ? Je veux dire… »

Je n’avais pas le temps de finir cette phrase qu’une vague de douleurs vives me reprenait et je serrais les dents. Malgré toute ma volonté, l’appel du sang était de plus en plus difficile à faire taire et à combattre, et la conversation que nous entretenions ne suffisait plus à éclipser le tout.

« On est encore loin ? » Demandais-je, plaintive malgré moi. J’avais l’impression d’être une gamine qui se plaignait d’un tout petit bobo, alors que les douleurs étaient vraiment insupportables, l’impression qu’on me broyait les viscères s’accentuaient davantage.

J'aurais presque pu sourire à sa réaction, mais je retenais ce qui n'étais pas bienvenu et lui offrait une moue compréhensive.

« Pas de soucis, je comprends. »

Je me doutais qu'elle ne me souhaitait rien de tout ça. Les mots étaient tout simplement ça, des mots, une expression. Je l'avait reprise pour lui assurer que c'était la vérité, mais... je pouvais comprendre que se soit dur d'encaisser une pareille nouvelle. A sa place... je doutais être capable de réagir autrement. Démon, sang, soif, morts... ce n'était pas le genre d'histoires qu'on aimait s'entendre raconter. Surtout en ces termes.

« J'ignore ce qu'ils lui ont fait exactement, mais... on peut supposer quelque chose du genre oui. Et sûrement plus pour que... ça en résulte votre... transformation à tous. »

Il avait probablement fallu une préparation colossale, un timing particulier, plusieurs impératifs à respecter... J'ignorais ce qu'avait couté et demandé un tel acte. Mais... créer une toute nouvelle race, ça ne devait pas être aussi simple que ce qu'avais résumé Cahan.

La nephelim n'était plus sur ce sujet cela dit et je savais pertinemment pourquoi. Si elle demandait, c'était que ma diversion ne l'accaparait plus suffisamment. Je regardait la rue face à nous, et répondait en tournant.

« Non, nous y sommes dans deux minutes. Plus que trois rues, et c'est bon. » J'avais continué à rouler, tournant une fois, puis deux et... nous étions enfin arrivées à destination. Je voyais une voiture se garer en même temps que nous et reconnaissait facilement le bolide de Lawrence. Je coupais le moteur et sortait rapidement pour rejoindre le résistant qui avait amené une glacière pleine de poches. Le butin en main, je le remerciait vivement et lui demandait de nous laisser mais j'avais vu son hésitation.

« Tu es sûre ? Je peux rester dans ma voiture, on ne sais jamais... »

« Je suis sûre, ça va aller avec ça. Merci beaucoup, d'ailleurs ! » Il avait fini par hocher la tête et était repartit aussi vite qu'il était venu, saluant Cahan d'un signe lointain de la tête.

Je m'approchais de la nephelim et lui tendait la glacière remplie à ras bord de poches à en juger par le poids qu'elle exerçait dans mes mains.

« Je crois que mon ami à pensé large. Tu devrais avoir... de quoi tenir quelques temps, pas que ce soir. »

Et j'en était plutôt contente, car sans préciser il avait eu la bonne réaction. Cahan méritait de pouvoir contrôler sa soif et je voulais l'y aider. Je voulais aider tous les nephelims si cela était possible.

« Je peut t'aider à t'en procurer d'autre quand tu en auras besoin. Je... ça se met en place, mais... on devrait vite avoir de quoi approvisionner ceux qui en ont besoin. Et, ne t'en fait pas ce n'est pas du sang humain, personne n'a été blessé pour ça. »

Vu comment elle avait lutté pour ne blesser personne à commencer par moi, vu comment elle m'avait dit de la fuir... j'avais pensé bon de préciser que le sang n'était pas humain.

J'avais essayé aussi longtemps que possible de me concentrer sur la conversation d'Elena pour relégué la soif et les douleurs à un second plan, mais j'atteignais mes limites. Si les mots d'Elena parvenaient encore à mes oreilles, ils ne se frayaient plus de chemin jusqu'à mon cerveau, et toute ma volonté était maintenant occupée à ne pas céder aux pulsions de plus en plus fortes. Après qu'Elena m'ait assuré que nous n'en avions plus que pour deux minutes, plus aucun mot n'était sorti de ma bouche ou de la sienne. Si je pouvais imaginer l'angoisse qu'elle devait ressentir à cet instant, je n'y prêtais cependant aucune attention. Il était primordial que je garde le contrôle encore suffisamment longtemps, malgré les douleurs de plus en plus insupportables et les battements de cœur qui tambourinaient mon crâne si fort que j'avais l'impression qu'ils parviendraient bientôt à le fracturer pour en sortir.

Lorsque la voiture s'arrêtait enfin, je n'étais pas encore au bout de mes peines. Je serrais mes poings tellement forts que j'en arrivais à me rentrer les ongles dans la paume sans pour autant en ressentir la douleur. Mon cerveau était déjà très certainement saturé avec toutes les autres douleurs que j'éprouvais. Elena quittait la voiture et je comptais les battements de cœur que j'entendais dans mon esprit... un... deux... trois... cinq... huit... onze... Elena revenait chargée d'une glacière m'expliquant que j'aurai de quoi tenir un moment. Ce qui m'intéressait dans l'immédiat, c'était déjà de ne pas lui sauter dessus dans la seconde.

Si j'écoutais les mots qu'elle m'adressait, je m'empressais pourtant de soulager l'horreur que je vivais. J'ouvrais la glacière, me saisissais d'une poche et en buvait rapidement le contenu. Progressivement, les battements de cœur dans mon esprit tapaient de moins en moins fort, et la douleur semblait diminuer d'intensité. Ma respiration haletante reprenait un rythme plus lent et je prenais le temps d'apprécier le calme qui revenait doucement. Un autre poche ne me ferait pas de mal, mais j'appréciais déjà les bienfaits de la première.

« Merci... » lâchais-je à Elena après quelques instants de silence.

J'observais un peu plus attentivement le contenu de la glacière. J'aurai effectivement de quoi tenir un moment, et éloigner le risque de blesser qui que ce soit. Je repensais à ce qu'Elena venait de dire, à l'organisation qu'ils mettaient en place et une question me venait... une question dont la réponse m'effrayait.

« Est-ce que... vous croyez qu'on va pouvoir redevenir normaux ? »

J'avais remarqué le silence qui s'était finalement installé dans la voiture un peu plus tôt. Et maintenant encore, elle était restée immobile, silencieuse, le regard fixe... Elle était affamée, n'est-ce pas ? Elle semblait garder son attention sur une chose une seule : ne pas m'attaquer. Heureusement pour moi et pour elle, son calvaire prenait fin avec cette glacière salvatrice.

Quand je lui avait tendu, elle avait ouvert le récipient aussi vite qu'il lui avait été possible et il en avait été de même pour la première poche de sang qu'elle avait ingurgité.

« De rien... » Soufflais-je pour toute réponse, attendant qu'elle se nourrisse encore. Elle devais en avoir besoin, vu l'état dans lequel je l'avais trouvée et le trajet... Ma proximité... Pourtant elle n'en faisait rien pour le moment. Au lieu de ça elle inspectait la glacière pour une obscure raison et me posait une question à laquelle je n'avais pas de réponse.

« Je l'ignore. J'aimerais vous dire oui, mais... je ne sais pas si c'est possible. Si ça l'est par contre... Nous trouverons comment. » Par nous, je parlais de la résistance et de mes amis en son sein, dont certains étaient eux même nephelims. Ce n'était pas la priorité avec l'apocalypse qui sévissait mais... J'avais espoir qu'un jour nous puissions nous pencher la dessus. Peut-être avec elle ?

« Je ne vais pas t'ennuyer ce soir avec un long discours visant à te faire nous rejoindre. Un jour peut-être... On pourrait t'aider dans mon groupe pour ta nature et... En attendant, je peut te fournir en sang. Ce n'est pas l'idéal, mais ça permet de garder un minimum le contrôle. Qu'est-ce que tu en penses ? »

Je réfléchissais, elle en aurait pour quelques temps avec ça, mais combien exactement ? Je n'en avait pas la moindre idée. Je fouillait alors dans ma poche et sortait ma carte de visite.

« Quand tu auras bientôt fini ton stock, appelle-moi. Nous devrions pouvoir te fournir la même quantité assez vite. »

Elle ne buvait toujours pas de nouveau et une partie de moi se disait que c'était de ma faute. Je la toisais et finissais par ajouter :

« Tu veux peut-être que je te laisses un moment et qu'on discute après ? »

Si la douleur était encore présente, son intensité était désormais acceptable. Les battements de cœur qui résonnaient dans mon esprit étaient encore audibles, mais ils ne m'oppressaient plus. Mais je le sentais... j'avais encore soif et prendre une autre poche aurait rendu la chose encore plus salvatrice, malgré l'horreur qu'elle signifiait vraiment. Sûrement était-ce cette horreur qui me retenait d'en boire une deuxième aussitôt. J'avais déjà offert un spectacle suffisamment lamentable à Elena, inutile d'en rajouter.

En parlant d'Elena, j'avais fini par lui poser une question dont la réponse me terrifiait. Allais-je redevenir normale un jour ? Je m'accrochais à l'espoir que tout ceci n'était que temporaire, mais aussi fort soit cet espoir, il n'était pas une certitude. La réponse d'Elena ne l'était pas non plus. J'aurai voulu une certitude, mais je n'avais droit qu'à des doutes et de la peur. Mais Elena n'y était pour rien, elle n'était que la messagère d'une réalité que j'aurai tant voulu pouvoir changer. Reprenant la parole, Elena m'assurait ne pas vouloir m'ennuyer avec son groupe, même si elle glissait tout de même l'idée de les rejoindre dans mon esprit, bien trop encombré pour y songer présentement. Elle me posait tout de même une question, me demandant ce que j'en pensais.

« Merci. » Cette réponse n'était pas du tout adaptée à la question qu'Elena m'avait posée, mais j'avais l'esprit bien trop tourmenté pour savoir ce que j'en pensais réellement à cet instant précis. Deux fois, elle reprenait la parole sans que je n'ouvre moi-même la bouche, et me tendait une carte de visite que je prenais d'une main plutôt fébrile, et ensanglantée. J'avais manifestement serré si fort les poings que j'en avais ouvert mes paumes avec mes ongles. Je m'empressais de refermer la main pour ne rien laisser couler.

« Je... » Commençais-je avant d'être surprise par la sonnerie de mon téléphone. Jackson. « C'est Jackson... il faut que je lui réponde, il doit être mort d'inquiétude. » Dis-je avant de décrocher et d'être assaillie de questions. « Ça va, je vais bien, je... ... Ça va, Jackson. J'ai fait de mal à personne, j'ai trouvé quelqu'un qui m'a aidée. Je... ... Je vais pas tarder à rentrer, je t'expliquerai. J'arrive, d'accord ? ... ... Ça va. Pas aussi bien que je voudrais mais ça va. Je t'aime. ... » Je raccrochais finalement après qu'il m'ait répondu qu'il m'aimait aussi, et je lâchais un soupir empreint d'une certaine angoisse.

« Désolée. » Dis-je à Elena. « Honnêtement... j'ai encore soif et je crois que j'ai déjà donné un spectacle assez lamentable sans en rajouter encore une couche... et puis Jackson voudra être là, si on discute de tout ça, de ce qui m'arrive, de ce que vous faîtes dans votre groupe. »

Je n'avais pas eu de réponse à mes questions, mais j'avais au moins eu un remerciement pour l'aide apportée. Ce n'était pas ce que je cherchais, mais ça prouvait qu'elle était soulagée un minimum. Pourtant, son manque de réponse avait une raison, ou plusieurs que je ne connaissait pas encore. Et je n'étais probablement pas prête d'en savoir plus, puisqu'un appel avait dévidé un peu plus son attention.

Elle me disait qu'il s'agissait de Jackson, qu'elle devait répondre et mon esprit avait additionné les informations rapidement, d'autant plus quand j'avais entendu une partie de leur discussion. Jackson était son petit ami, et il savait pour elle, le sang... Elle avait fini par raccrocher et se tourner de nouveau vers moi, s'excusant pour commencer.

« Tu n'as pas... ce n'était pas lamentable. J'ai des amis... tu n'as pas à t'inquiéter pour moi de ce coté là. Mais... je comprend et si tu veux en parler quand ça ira mieux et avec Jackson... Je suis d'accord. Tu as déjà ma carte. Alors... je peux compter sur ton appel ? Pas uniquement pour le sang. Je pense que je peux t'en apprendre un peu sur ce qui t'arrive et t'aider à te fournir en poches mais aussi... On en parlera tous les trois ? »

Les quelques informations qu'Elena m'avait données se bousculaient dans mon esprit, et j'avais besoin de temps pour les assimiler et les accepter. Et j'avais surtout besoin de Jackson pour en parler, et pour me rassurer. Nourrie au sang de démon... Rien qu'en y pensant, l'information me donnait la nausée et j'avais l'impression de suffoquer. A cet instant, j'avais autant besoin de Jackson que j'avais peur de sa réaction en découvrant ce qu'il m'était arrivé. Non, comment pouvais-je avoir peur de sa réaction ? Jackson ne réagirait pas mal, s'il avait dû le faire, ce serait déjà fait. La seule chose qui changerait après ce soir, c'est que l'origine de mon mal n'était plus inconnue.

Mon attention reportée sur Elena, j'écoutais sa réponse face à mon piètre aveu. Sûrement cherchait-elle à me rassurer lorsqu'elle répondait que tout ceci n'avait rien de lamentable, et je lui offrais l'esquisse d'un sourire si bref qu'elle ne le verrait peut-être même pas. Elle demeurait pourtant inquiète à l'idée que je ne l'appelle pas, du moins, c'est l'impression que j'en avais.

« J'appellerai. Sans faute. » Lui confirmais-je sur un ton catégorique qui ne laissait pas transparaître le moindre doute. « Tu es la seule personne que je connaisse qui sait ce qu'il m'arrive, alors... » Elle n'avait aucun doute à avoir sur le fait que je l'appellerai sous peu. « Merci... » Dis-je une fois de plus.

Après quelques instants de plus dans le silence, nous nous quittions finalement sans un mot supplémentaire. J'étais pourtant assaillie par des millions de questions, de pensées et de sentiments contradictoires. J4avais cruellement besoin d'une véritable bouffée d'oxygène, et de b ras salvateurs qui m'enlacent en me promettant que tout irait bien...