Caym était assaillie par ses émotions. Rongée par la culpabilité, envahie par la vision de ceux qu’elle a pris plaisir à tuer ; elle tournait comme un lion en cage, une bouteille de whisky à la main. Elle se sentait inutile, fragile, voir son reflet dans le miroir lui faisait esquisser une grimace de dégoût. Elle termina le fond de sa bouteille cul sec avant de l’envoyer dans le miroir pour détruire son reflet. Consumée par la rage, par la tristesse, de ce qu’elle était, de ce qu’elle est devenue. Elle avait l’impression qu’elle pouvait exploser n’importe quand ; que le décompte était lancé avant qu’elle déraille complètement, consumée par la folie. Elle alla dans son bar, à la recherche d’une bouteille encore vierge où elle pourrait déposer ses lèvres directement sur le goulot. Mais rien, tout était vide, il ne restait plus rien, juste elle qui essayait d’oublier en vain. Rien ne semblait atténuer sa peine. Néanmoins, elle ne se voyait pas finir cette nuit sans une bonne bouteille d’alcool. Il y avait peut-être un commerçant d’ouvert à cette heure-ci ? Elle alluma une énième cigarette, inspirant la fumée à plein poumon tout en fermant les yeux. Un bar, c’est ça qui lui fallait. Un bar où elle pourrait dépenser son salaire, un bar où elle pourrait faire une rencontre, une belle rencontre d’une nuit. Homme, ou femme, peu importe tant que la petite chose lui faisait oublier ce qu’elle est le temps d’un orgasme.

Elle alla sous la douche. Elle ne pouvait pas sortir dans cet état, le maquillage qui coule, en sentant le whisky à des kilomètres à la ronde. La dose qu’elle avait ingurgitée aurait pu assommer un camionneur. Elle ne savait même pas pourquoi elle s’enhardissait à boire, l’alcool ne lui faisait pas l’effet escompté, et cela depuis toujours.

C’est vêtu d’un simple jean et d’un débardeur qu’elle franchit la porte du Sullivan. L’endroit était bondé certes, mais ça serait beaucoup plus calme que le club de Kobal. Elle n’avait pas envie d’être en contact avec ses confrères. Non, cette nuit, elle voulait la vivre seule, sans devoir rendre des comptes. C’est à ce moment qu’elle le vit, il était au bar, en grande discussion avec son verre apparemment. Que faisait-il là seul ? Elle l’avait déjà croisé, plusieurs siècles avant sa chute. Chute causée par une humaine, humaine devenue démone. Situation assez risible, du moins c’est ce qu’elle pensait à l’époque, en prenant plaisir du malheur des autres. Aujourd’hui, tout était différent, elle comprenait, elle commençait à comprendre. Par contre ce qu’elle comprenait moins, c’est qu’il soit seul et aussi malheureux. C’était curieux pour un ange gracié par son cher papounet. Castiel et Zadkiel, les anges qui ont été pardonné.

Elle s’installa à côté de lui en commandant un verre de vodka tout en faisant un sourire charmeur au barman. « Connor » dit-elle en guise de salutation. « ça faisait longtemps » Il avait des millions de la détester, tout comme elle de le haïr. La haine aurait été plus simple à comprendre que ce sentiment de compassion. « Tu bois souvent seul ? » elle pourrait aussi le faire chier par rapport à Alice. Après tout, elle ne se gênait pas trop avec Adonis… même si elle ne pouvait pas trop la ramener vu ce qui s’est passé avec Jeremy. « J’ai entendu dire que vous avez eu une discussion approfondie Xavior et toi. Vous battre pour une humaine, c’est amusant comme les éternels aiment perdre leurs temps » elle lui rentrait gentiment dedans par habitude, et non par réelle envie d’être mesquine.

Boire seul chez moi avait ses limites, de un parce que j'avais épuisé la dernière bouteille à cause de ma tolérance à l'alcool, mais également parce que le tableau que ça dépeignait était plus que déplaisant. Alors j'avais décidé de sortir et me mêler un tant soit peu au reste du monde. Même si ça n'était que dans un bar et que la seule personne à qui je parlerais serait le barman pour remplir mes verres.

L'hyperium que j'avais prit avant de sortir était la seule chose qui faisait un réel effet, pourtant les verres continuaient de s'enchainer dans mes mains. Peut-être que le geste suffisait en soit à me rassurer. Qu'en se faisant, j'avais l'air plus humain, plus normal ? Quoi que soit la raison de ce choix et de ma présence, j'étais là et profitait du monde et de l'ambiance pour me fondre dans la masse accoudé au bar. Malheureusement, cette tactique n'avait fonctionné qu'un court moment, et très vite, une présence s'était installée à mes cotés. Elle savait bien trop de choses sur moi, mais moi aussi sur elle. C'était probablement le soucis quand on était ce qu'on étaient, non ? Mais surtout, quand on avait servit à des desseins cosmiques ou je ne sais quoi. J'inspirais profondément à ses paroles, avant de me décider finalement à répondre, par politesse plus que nécessité.

« Longtemps oui... » Et pourtant je n'aurais pas dit non à ce que cette durée soit prolongée de plusieurs siècles. Quelle que soit sa nouvelle nature.

« Je bois seul, quand j'en ai envie. Et si tu es là, seule. C'est probablement pour la même chose, non ? »

Sa question semblait me juger, même si je n'étais pas certain que jugement il puisse y avoir quand on ne pouvait pas être affecté par la boisson. Et même si elle était semblait-il dans le même cas que moi.

Si j'avais pu douter de ce qu'il y avait derrière sa première remarque, cette fois... elle avait frappé avec simplicité et clarté. Pas d'équivoque dans ses mots. Ma mâchoire s'était tendue à l'évocation de Xavior et j'avais tourné la tête pour la première fois, la regardant enfin.

« Ça ne fait pas assez longtemps, si tu veux mon avis ! Je me serais satisfait de ne pas te voir pendant des millénaires supplémentaires... » Répliquais-je, ne me retenant pas cette fois de dire le fond de ma pensée.

« Tu n'as pas mieux à faire, Caym ? Et ça... Parler de tes "amis"... comme si tu étais encore des leurs... Si je perd mon temps, toi qu'est-ce que tu fais ? »

La démone esquissa un sourire sournois en constatant l’effet Xavior sur les traits de son interlocuteur. A croire qu’à la simple évocation de son prénom, il provoquait une crise d’urticaire chez Castiel. D’ailleurs, que penserait cet « ami » de cette discussion avec l’un de ses ennemis. Il serait certainement curieux, mécontent, ou elle ne savait quoi encore. Le principal c’est qu’elle n’en avait royalement rien à foutre, et que si elle le voulait, elle pouvait lui mettre son nez dans son pipi ; général ou non, elle était plus âgée que lui. « Ouch, tu viens de me faire mal » dit-elle en remerciant le barman d’un sourire chaleureux lorsqu’il lui apporta son verre. Elle garda un instant le silence, comme perdue dans son verre. Il parlait, mais elle écoutait à peine, bien que ses paroles raisonnassent dans son joli petit crâne de garce. « Tu as l’air d’être bien au courant » Elle but quelques gorgées de son verre, en essayant d’apprécier ce qu’il venait de lui servir, mais le liquide lui semblait si fade. Il n’avait pas la même saveur qu’autrefois, et ce n’était pas dû à la qualité médiocre de la vodka. « Tu as raison, santé ! » annonça-t-elle avant de terminer son verre cul sec pour en commander un autre. « Je ne sais pas comment tu fais sérieux ! » Il ne devait sans doute pas la suivre, mais elle parlait évidemment des émotions, des sentiments, et de sa putain de culpabilité.

Elle se décala de manière à pouvoir lui faire face. « Je ne pense pas qu’on puisse parler d’amitié, comme toi avec les tiens, enfin ceux qui étaient les tiens… et ne me lance pas ton verre dans la tronche, je ne dis pas ça par méchanceté » Elle n’avait pas envie de s’en prendre une. Il n’allait pas la buter, il n’était pas assez stupide pour ça, en revanche il pouvait très bien lui remettre les idées en places. « Par contre, ce que je ne comprend pas, c’est que tu sois dans cet état. N’as-tu pas été pardonné par ton daddy ? » Elle plongea son regard dans le sien, réellement curieuse ; mais elle doutait qu’il allait lui répondre. « Tu ne devrais pas être heureux ? satisfait ? ou au moins soulagé ? » Il était le déchu le plus safe qu’elle connaissait, mais il ressemblait clairement à un déchet. Ressemblait-elle à ça aussi ? Il est vrai que tout à l’heure, chez elle, elle n’était pas la plus séduisante. On aurait pu dire d’elle qu’elle s’entraînait pour figurer dans l’un des clips de Rob Zombie.

« et pour répondre à ta question de tout à l’heure, moi je suis comme toi, j’essaye d’oublier, de soulager mes émotions, de combler un vide » dit-elle d’une voix morne en baissant les yeux. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Parler à cet enfoiré qui n’aurait pas hésité à la buter il n’y a pas si longtemps… enfin, c’était également son cas, elle aurait été fière de rapporter la tête de Castiel, et ça au sens propre comme au sens figuré.

J'ignorais si ma réponse l'avait vraiment affectée, et pour être honnête je m'en fichait que la réponse soit oui ou non. J'étais plus tenté de l'ignorer qu'autre chose, vu comment la discussion avait débuté. Mais bien vite, le ton changeait. Ou en avait l'air, et j'arquais un sourcil à sa phrase.

« Après tout, nos... destins ont été liés pour tout ça. Normal que tu saches ce qu'il en est pour moi. Et que je sache te concernant... Votre... sacrifice à corrigé les nôtres... » Le souvenir de Jenny et de cette nuit là me revint en mémoire et je baissait les yeux sur mon verre pour boire, tout comme elle.

« Comment je fais pour quoi ? » L'interrogeais-je arquant un sourcil. Je n'étais pas certain de la suivre, mais ça c'était parce qu'elle ne disait pas tout. Comme si je pouvais lire dans ses pensées, ou comme si elle n'osait pas tout dire à voix haute. La deuxième possibilité semblait cela dit plus réaliste, selon moi.

« Je ne gaspillerais pas mon verre. Mais... ça ne se compare pas. Tu n'as pas idée de ce que tu compares... » Crachais-je avec amertume, sentant l'envie d'ajouter une nouvelle dose d'hyperium dans mon verre juste pour supporter les paroles de la démone. « Il y a beaucoup de choses que tu ne comprends pas, il faut croire. Tu penses qu'il suffit de ça ? » Je n'avais pas spécialement envie d'épiloguer la dessus, mais je sentait ses questions venir. Et me demandait si je devais m'énerver, partir, me terrer dans un silence... j'avais du mal à doser et refusait avec son nouveau rôle de perde le peu de patience que j'avais. Alors je me taisais pour le moment. Attendant de voir si elle insistait, si elle demandait, avant d'aviser.

« Comme moi... le pire c'est que cette fois c'est plutôt juste. Mais, c'est à se demander pourquoi tu me poses ces questions avant ? De tous les démons qui existent, tu es peut-être la plus à même de me comprendre. Même si... je doute que ce soit vraiment possible. » Seul un déchu pouvait comprendre, et même là... la vérité c'était que seul Zadkiel devait être en mesure de saisir la chose, et pourtant il semblait bien vivre le tout. De ce que je savais, il était moins paumé que moi, moins détruit. Probablement parce qu'il appréhendait différemment sa chute et le reste. Alors quoi ? Personne ne pouvait comprendre ? Est-ce que moi le premier je pouvait mettre de vrais mots sur ce que je ressentait ? Parfois, ça me semblait plus difficile que simplement le ressentir, si je voulais être honnête. Parce que Dieu, ce lien... ça n'avait rien d'humain, et ça n'était pas une chose facile à décrire par leur langage, quelle que soit la langue utilisée...

« Alors, tu es venue pour me narguer avec Xavior ? M'emmerder ? Ou juste... me dire ce que tu tais depuis tout à l'heure ? Si tu as une question à me poser et un conseil ou je ne sais quoi à demander. Demande ! Je n'ai pas envie de jouer à des jeux, Caym. Je ne suis pas d'humeur... »

Caym détourna le regard en s’auto flagellant mentalement. Elle agrippait son verre, en prenant garde de ne pas le faire exploser cette fois. Cela lui demandait beaucoup d’effort de garder le contrôle, de mettre à feu doux tout ce qui bouillonnait en elle. Il voyait en elle toujours celle qu’elle était. Elle aurait tant aimé qu’elle puisse se voir comme il la voyait. Mais non. La démone commençait seulement à accepter ce qu’elle était devenue, même si accepter n’était pas le terme exact. « Pourquoi faut-il que tu trouves toujours la raison ? » demanda t-elle en levant les yeux au ciel. « Je ne suis pas là pour te faire chier avec Xavior ! c’était par habitude, mais tu ne peux pas comprendre ! » Lâcha-t-elle en le trouvant exaspérant. Qu’il aille se faire foutre avec son regard de chien battu. « J’en ai rien à foutre de votre guéguerre avec cette nephelim ! De toute manière, elle n’est plus là maintenant ! Des nephelims, il y en a d’autres » répondit-elle en terminant son deuxième verre. Elle était au-delà de ça ce soir. Même si elle avait créé deux nephelims, elle sait très bien que c’est une chose qu’elle ne ferait plus […] et que de toute manière, elle serait incapable de faire. Elle ne voulait pas imposer cette vie à un être humain. Oh putain de bordel, c’est quoi cette pensée à la con ! pensa-t-elle en prenant sa tête entre ses mains. Maintenant, elle n’avait qu’une envie, pleurer. Non mais sérieux ? c’était quoi cette larme qui se peaufinait ? Heureusement pour sa dignité, elle arriva à se retenir. Elle avait envie de hurler, de tout retourner, et pourquoi pas d’en coller une à son voisin de droite afin de savoir si ce genre de chose pouvait encore la soulager.

« Je ne joue pas » Dit-elle en soupirant. En même temps, qu’est-ce qu’elle attendait de lui au juste ? Non mais franchement, venir parler à Castiel, ce n’était pas la meilleure idée qu’elle ait eue. « J’arrive pas Connor, à trier, à ranger mes émotions… J’ai l’impression que ma tête va exploser. Je me dégoute tellement… » Elle faisait de son mieux pour ne pas le regarder, ne voulant pas le voir sourire, ou jubiler de ce qui était en train de se passer. S’il le faisait, elle n’était pas certaine de se contenir, et ainsi d’éviter de lui mettre son poing dans la mâchoire, quitte à s’en prendre une derrière. « Si tu rigoles, je t’en colle une, premier ordre ou pas » Pensa t-elle apportant d’ajouter « Je ne suis pas d’humeur à ce que tu te moques, ou autre réaction à la con du genre. Fais pas comme eux » eux, c’était les démons qui parlaient sur son dos. Ces infames rats, qui avaient encore du lait sur le bout du nez, et qui ne savaient pas respecter les anciens. « donc dis moi, tu fais comment pour te regarder dans une glace puisque tu ne supportes pas cette situation » il pouvait aussi bien rendre service à l’humanité, se suicider pour qu’elle ne soit plus obligée de voir sa tronche de condamné à mort. Bon ok, elle était dur, rien ne l’obligeait de passer du temps avec lui. Si elle était en sa compagnie, c’est qu’elle le souhaitait, et que curieusement cela lui était « agréable » ou plutôt confortable.

Pourquoi trouver une raison aux agressions d'un démon ? C'est vrai que dit comme ça, c'était presque stupide d'en chercher. Pourtant je l'avais fait et, la manière dont ça avait semblé l'affecté était étrange. Elle n'était pas blasée, non. C'était autre chose, que je n'arrivais pas à définir avec certitude.

« L'habitude... » Répétais-je n'ajoutant rien de plus. Cette fois, c'était moi que sa réponse dérangeait. J'étais las de ce genre de discours. Parce qu'on justifiais beaucoup de choses par soit disant habitude. Sauf qu'elle... elle avait changé récemment et la voir se comporter ainsi rendait la chose encore plus dérangeante. Mais elle avait raison sur un point encore, je ne pouvais pas comprendre qu'une entrée en matière se résume à attaquer l'autre sur des points sensibles. Je ne pouvais pas faire comme elle, comme eux et dire ou faire quelque chose juste pour le plaisir de faire souffrir ou blesser quelqu'un. Spécialement quelqu'un déjà à Terre. Alors j'avais levé les yeux au ciel à mon tour, en lui offrant un souffle mêlé d'un rire forcé qui voulais dire : clairement oui !

Après ça, j'avais ignoré sa réflexion sur Alice et son absence. Ignoré qu'elle parlait d'elle comme s'il s'agissait d'un prix et non d'une personne. Parce qu'il n'y avait aucune chance que je parle de ça avec elle.

« Tu tourne autour du pot. C'est pareil. » Rétorquais-je avec lassitude, faisant signe au barman pour qu'il re-remplisse mon verre. Pourtant, j'avais rapidement changé d'attitude, quand j'avais entendu les aveux de Caym, relevant le regard vers elle. J’arrive pas Connor, à trier, à ranger mes émotions… J’ai l’impression que ma tête va exploser. Je me dégoute tellement…

« Alors c'était ça ! Comment je fais... » Je riais, pas un rire franc, pas même joyeux. C'était un rire nerveux et amer. Aucune moquerie dans ma voix, ce qui la retiendrais peut-être de mettre sa menace à exécution.

« Est-ce que j'ai l'air de les avoir triées mes émotions ? » Commençais-je en levant mon verre dans sa direction, comme pour prouver mes dires. « Si tu cherches une recette miracle, je crois que tu ne demandes pas à la bonne personne. Parce que toi et moi on est apparemment dans la même merde, Caym. »

Et pour ce qui était de se regarder dans une glace... je n'avais pas plus la réponse, aussi je restait sur celle que j'avais déjà donné et qui englobait toutes ses demandes. Que voulais-t-elle que je dise ? Que j'avais trouvé une solution et que c'était pour ça que je buvait seul, dans un bar ? Que j'avais l'air si fringuant, parce que j'étais totalement en forme et la définition même de la sanité d'esprit ou de l'équilibre ?

« Si l'alcool ne fait pas effet, il y a toujours la magie. » Finis-je par dire, avec une pointe de compassion dans la voix.

« Ce n'est pas miraculeux. Mais ça aide. Parfois... » Je songeait à la petite fiole d'hyperium contenue dans mon portefeuille et ajoutais :

« L'hyperium, tu connais ? Si ça peut t'éviter de perdre le contrôle et tuer des gens... »

Hum. Caym pensa que pour une fois, il avait raison. Vu sa tête de dépressif, il n’était pas la meilleure personne pour la conseiller. Lorsqu’elle s’imaginait le prodigieux Castiel, elle ne l’imaginait pas comme ça, avec une barbe de trois-quatre jours et un verre à la main. « C’est vrai que tu ne respires pas le bonheur » souffla-t-elle en souriant avant de reboire une gorgée de son verre de manière un peu plus mesurée. « La magie, je n’aime pas trop la magie, enfin dans le sens sorcellerie du terme » Se confia-t-elle. Par contre, qu’il lui en demande pas la raison car elle était incapable de lui en donner. Il paraît que cela pouvait arriver chez les démons, d’avoir certaines convictions, certains goûts, qu’on ne peut pas expliquer. Des sortes de réminiscences de la vie d’avant, de la vie avant la naissance en tant qu’être démoniaque. Ce n’étaient pas des souvenirs, c’était beaucoup plus faible que cela. D’ailleurs, certains démons essayent d’utiliser cette excuse pour justifier leurs comportements. « L’hyperium » répéta-t-elle sur un air songeur. Elle avait déjà entendu parler de cette drogue, mais sans en connaître réellement les effets, ni le bénéfice risque. « Tu trouves ça où ? » demanda-t-elle en recommençant à s’intéresser à ce qu’il disait. Il pouvait être charmant lorsqu’il le voulait, bien qu’une porte de prison le soit beaucoup plus. Pour une fois, qu’elle ne venait pas en mode ennemi, il pourrait en profiter. C’est un honneur qu’elle lui faisait ; bon ok, elle y allait un peu fort là. Le plus ancien des deux, c’était bien lui puisque sa naissance date de l’origine du monde. « Et en quoi ça te fait du bien ce truc… Apparemment, ça ne fait pas de miracle… » Elle était une démone certes, mais elle n’était pas du genre à prendre un produit sans savoir ce qu’elle ingurgitait vraiment. « Est-ce que ça permet réellement de te sentir mieux ? Ou est-ce que cela créé une dépendance, t’obligeant à en consommer encore et encore » demanda-t-elle en plongeant son regard dans le sien, un léger sourire compatissant aux lèvres. Oui compatissant, car lorsqu’elle regardait Castiel, elle avait l’impression de se voir, en plus musclé et plus grand, mais en fin de compte, il devait ressentir la même chose qu’elle. Uriel semblait vivre sa transition beaucoup mieux. Après tout, il était toujours un ange de dieu, un gentil. Tout ce qu’il a fait depuis la création du monde était ordonné par dieu. Il n’était pas comme elle, en train de se noyer dans sa putain de culpabilité, hantait par des cauchemars. « Tu me diras, au stade où j’en suis, je suis prête à prendre n’importe quoi » dit-elle en baissant les yeux, quittant son regard pendant un court instant. « as-tu déjà fait des choses horribles ? » est-ce qu’il était hanté par certaines choses, par ses démons du passé ? « Je sais que Katie n’est plus des nôtres, des leurs… enfin bref tu m’as compris, est-elle en proie à ce genre de … situation, j’ose dire » après tout, Katie était follement amoureuse de lui, enfin c’est ce qui se chuchotait d’une oreille à une autre. C’est donc qu’elle avait des sentiments, sentiments qui sont apparues naturellement… est-ce que c’était aussi douloureux pour elle ? Comment faisait-elle avec son passé ? était-elle hantée elle aussi ? Comment vivait-elle tout cela « enfin j’imagine que tu ne vas pas me reprendre et m’envoyer me faire foutre »

Son sourire pouvait avoir plusieurs raisons, mais je n'avait pas envie de savoir laquelle l'avait provoqué. Quelle se moque, se réjouisse, ou autre... peut m'importait. Cette conversation était de toute façon terminée selon moi. Du moins, elle m'avait semblé l'être jusqu'à ce qu'elle me demande une solution de manière détournée. J'avais alors parlé de l'hyperium et sa réponse m'avait fait sitôt souffler un ricanement.

« Tu cherches des solutions ou alors, si ce n'est dans la sorcellerie ? » Sans vouloir paraitre condescendant, je savais pertinemment qu'elle n'irait pas bien loin sans se référer à des sorciers. L'alcool ne ferait pas effet, rien d'humain... Elle n'avait pas d'autre choix et pourtant elle semblait ne jamais avoir envisagé cette voie. Je trouvais la chose plutôt surprenante, vu qu'elle en était venue à me demander mon aide, à moi.

« Ne me dis pas que tu m'apprécies plus que des sorciers. Je risque de le prendre mal... » Étais-ce un trait d'humour ? Peut-être bien. Il était bon à savoir que je n'en était pas complètement incapable. Mais c'était surtout grâce à l'hyperium dont elle voulait les preuves de l'efficacité.

« Tu en trouves dans une boutique de magie, ou auprès de sorciers qui vendent ce genre de potions... Il te faudra faire avec la magie terrestre j'en ai peur. » Soufflais-je, presque compatissant.

« Non ça ne fait pas de miracles. Disons qu'une dose récente... atténue les sentiments. Anesthésie. Mais ça n'aura pas un effet prolongé si c'est ça que tu cherches. Je crois que rien ne peut faire ce que tu aimerais vraiment... » Quand elle parlait de dépendance, je me raclait la gorge et parlais un peu plus bas.

« Pour que ça soit utile il faut en prendre régulièrement. Sinon l'effet antalgique et le reste... ça ne sert à rien. Surtout pour quelqu'un comme nous. »

Je me raclais la gorge et prenait une légère inspiration avant d'ajouter toujours sur le même ton effacé :

« J'imagine que pour un humain, le risque de dépendance est là. Mais... pour une créature aux pouvoirs de guérison, louper une seule prise suffira à ce que notre corps se sépare de toutes les toxines de la potion. Alors... j'ignore si on peut parler de dépendance dans ces conditions. » S'il n'était pas question de manque, d'intoxication, mais seulement de vouloir ou non prendre la potion... est-ce qu'on pouvait en parler dans ces termes ? Je savais pour avoir déjà arrêté d'en prendre que la chose avait été aisée. Même si j'avais fini par recommencer récemment pour éviter de craquer après les autres passages douloureux que j'avais du gérer.

« N'importe quoi... » Répétais-je, ne sachant pas quoi ajouter, même quand elle me demandais de m'épandre sur les choses horribles que j'avais pu faire. Pourtant il n'y en avait pas. C'était plus compliqué que ça. Mais avant que je ne puisse répondre, si jamais j'en avait eu l'intention, elle avait continué et dans sa lancée et mentionner un nom que je ne voulais pas l'entendre prononcer.

« Tu imagines bien ! Je ne parlerais pas de Katie ou d'Alice avec toi. Je n'ai absolument pas confiance en toi. Quel que soit ta nouvelle mission ou nature. »

Elle pouvait être plus bas que terre et supplier, prétendre que c'était pour sa paix d'esprit. Jurer que personne d'autre ne saurait quoi que ce soit. Il était hors de question que je parle de Katie ou Alice avec elle et qu'une seule chose risque de revenir aux oreilles de l'enfer, de ses supérieurs. Parler de moi était une chose, mais j'étais prêt à tout pour les protéger elles, quel que soit mon état. Quelle que soit la drogue dans mes veines.

« Il faut croire que l'effet de l'hyperium à des limites. Et tu les as testées ! Alors on peut soit reprendre la conversation là ou elle en était ? Soit, en effet... tu peux aller te faire foutre et me laisser finir ma soirée tranquille ? Ton choix, Caym ! »

Cette soirée tournait de plus en plus en jus de boudin. Elle aurait peut-être dû s’abstenir, rester chez elle, et surtout ne pas se mettre à discuter avec le dépressif de service. A quoi s’était-elle attendue ? Même si Sytry était plus doué pour remonter le moral. Même l’apathique Ezechiel était plus empathique que le déchu. Et pourtant, tout comme Castiel, il avait mille et une raison de la détester. Disons, que de ne pas avoir d’émotion devait énormément aider. A croire que les émotions restent le problème principal. Elle n’était pas certaine de vouloir goûter à cet « hyperium ». Elle en ressentait le besoin, certes, mais son discours ne faisait pas tellement envie. Après tout, n’était-il pas censé en prendre, et vous avez vu sa tête ? Il ne faisait pas envie, il était loin d’être un rayon de soleil. « Mais t’es sérieux ? » Il retournait aux aboiements une nouvelle fois, bah puisqu’il voulait aboyer, aboyons « Tu n’en as pas marre de montrer les dents ? ça ne te fatigue pas ? »

Elle termina son verre cul sec. En même temps, c’était aussi sa faute, quelle idée de venir échanger avec cet abruti aussi ? « Oh c’est vrai, en répondant à mes questions, tu vas les mettre en danger ! on âge en plein délire. Je n’en ai rien à foutre de ta Katie, et de ta Alice. Tu crois vraiment qu’on a que ça à foutre de les traquer ? Elles sont peut-être importantes, mais il ne faut pas exagérer non plus. Enfin importantes, pour toi… des démons, il y en a plein, des nephelims soumis ça ne manque pas non plus ! » Et surtout, cela ne lui avait même pas traversé l’esprit de connaître où étaient ces deux nanas, s’il les voyaient, s’il les sautaient ensembles ou séparément.

« Tu accordes trop d’importance à ton existence. Tu maintiens l’équilibre toi aussi ? » Elle n’était pas en train de se mettre en avant, loin de là, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de mettre son caca dans son nez « Ecoute, je vais te laisser gémir, agoniser seul. Pense à te raser un de ses quatre d’ailleurs… continue à prendre ta merde ! et chacun la sienne ! » Elle se leva du tabouret, prête à le laisser en plan car de toute manière, c’est ce qu’il souhaitait. C’est dommage car sur ce coup là elle aurait pu le comprendre… un peu… ou pas. Mais, cet échange avec l’autre déchet lui avait montré à quel point il lui fallait sortir la tête de l’eau, accepter sa nouvelle condition. Uriel avait raison, maintenant, même si c’était pas l’idéal, voir déplaisant, ils pouvaient compter que l’un sur l’autre. « C’est pour moi » elle glissa un billet pour payer leurs consommations. « Le reste, gardez le » ajouta t-elle en faisant un clin d’œil au serveur… elle tourna ensuite les talons en le laissant planter là. trou du cul Encore une fois, elle se rendait compte qu’elle avait changé, trop changé, ya pas si longtemps, elle lui en aurait collé une… mais ce soir, elle n’avait vraiment pas envie de se battre… même si cela lui aurait fait un bien fou de se défouler… il ne fallait pas non plus oublier la trêve, Castiel était gracié de Dieu, il faisait donc parti de manière élargie des troupes de Dieu… oé de manière très élargie…

Caym ne semblait pas avoir apprécié ma réaction face à ses questions sur Katie. Mais je n'en avait rien à faire. Car quoi qu'elle dise, je savais que le risque était là. Qu'ils les cherchent activement ou non, ils n'étaient pas du genre à passer sur des informations s'ils en avaient. Et je ne serais pas celui qui les donneraient, c'était certain. Elle n'avait peut-être pas d'agenda, elle n'en avait peut-être véritablement rien à foutre, comme elle disait. Mais quoi qu'il arrive ça n'était pas un risque que je voulais prendre ou même une discussion que je voulais avoir, quoi qu'il en soit. Et encore moins avec elle.

« Si tu ne veux pas que je montre des dents, arrête de lancer des sujets sensibles ! » Soufflais-je comme pour lui rappeler qu'elle était celle qui ne faisait qu'enchainer les questions et sujets difficiles. Vu l'état dans lequel elle m'avait trouvé, je ne savais pas comment elle pouvait ne serait-ce qu'envisager que je réagisse bien à parler d'Alice, de Katie ou de mes problèmes.

Elle avait alors clôturé la conversation avec une réflexion sur son nouveau rôle et j'avais eu un rire étouffé. Il n'était pas question de me juger important, ou de me comparer à elle. Même si elle semblait le croire. Il était question de sentiments, de tenir à des personnes et de vouloir les protéger. Mais il fallait croire qu'elle n'était pas encore en capacité de comprendre ça.

« Merci pour tant de considération ! » Fis-je, ironique, alors qu'elle disait vouloir partir et me laisser crever en paix. Elle avait ensuite prit sur elle de payer nos consommations et j'avais tiqué, sans pourtant dire un mot. Quoi dire ? Merci ? Je n'avais rien demandé et même si j'aurais dit merci par convention à n'importe qui d'autre. Suite aux discussions qu'on venait d'avoir et à son tempérament, j'avais tendance à penser qu'il valait mieux simplement laisser couler. Et la laisser partir ! Et puis, après tout, elle m'avait souhaité une fin de soirée... autant exaucer une partie de sa requête et la terminer seul...