Réunion au sommet. Des informations. C’est important les informations. C’est important de savoir. J’aurais aimé en savoir plus. Mais on ne peut savoir que ce qu’il est possible de savoir. Malheureusement, il n’est pas possible de savoir si toutes les informations sont partagées. Mais bon, comme je suis fraichement rentré au pays, dans tous les sens du terme, eh bien je suis tout à fait preneur pour toutes les nouvelles possibles. Je me renseigne beaucoup, maintenant. Je ne ferai pas la même erreur deux fois. Je me suis donc présenté au Bloody’s pour les dernières nouvelles.

Bloody’s Place… sérieusement ? Heureusement que la presque totalité de l’humanité ne sait rien et ne comprend rien. Bloody’s Place. Quel cliché. Ça revient à appeler un restaurant Italien Alfredo’s Pastas. Heureusement que l’endroit est protégé, sinon c’est genre la première place qu’on viendrait chercher. Dès que j’y mets les pieds, je comprends tout de suite l’effet de corruption. Ouais, bon, c’est évidemment pas de mon niveau. Tout est beaucoup trop chic… j’ai presque la nausée et j’entend l’alarme sourde de l’envie et l’aigreur dans mes oreilles… enfin, c’est plutôt dans ma tête que je les entends. Mais je suppose que c’est l’effet voulu pour un type comme moi.

Les informations sont intéressantes, même si je rigole aux quelques blagues que pour avoir l’air de comprendre. Les Kawarijs pas un danger ? Quel intérêt de retourner en Enfer ? Ça fait mal. Je préfère ne pas y retourner. J’y ai déjà goûté, merci. Juste l’idée me donne encore plus la nausée. Un verre pour faire passer tout ça, pourquoi pas. Ça doit être un endroit où tu dois mettre ta maison en hypothèques. En même temps, j’ai pas de maison, alors pourquoi pas. Je prends un verre et évidemment, le prix est exorbitant, même pour moi qui n’a pas nécessairement à travailler pour avoir de l’argent. C’est indécent comme prix. En même temps, peut-on espérer mieux de démons ? Je suis coupé dans mes joyeuses pensées par une voix masculine qui me dit que d’avoir l’air d’un sans abri n’est pas la réponse à passer inaperçu. Un petit marrant celui-là, il va savoir ma façon de penser.

Eh ben… eh merde… le type du discours… mon air courroucé se fend d’un sourire amusé peut-être un peu trop forcé. Hé hé hé hé, ouais. Elle est bien bonne. Trève de plaisanterie ? De quelles plaisanteries il parle ? J’aurais bien aimé que ce soit une plaisanterie.Ah ah ! Elle est très bonne, c’est plutôt l'inverse, je suis sérieusement un sans-abri… Ha ha. Ha ha ! Comme si j’avais pu faire un petit somme devant tant d’éloquence, dis-je en rigolant.

J’en fais peut-être un peu trop, je me tasse sur moi-même en me disant que j’aurais pas dû rester pour ce verre. Je me replie sur le dit verre.

Non non, tout est sous contrôle, il n’y a aucun danger.

Oui, non, non, je sais tout ça. Évidemment que ça ne fonctionne pas comme ça. Mais oui, j’ai pris mes précautions, je veux pas retourner en Enfer, alors oui, j’ai pris mes précautions. Pourvu que ça reste comme ça. Est-ce que j’en fais trop ? Est-ce que je risque quoi que ce soit ? Évidemment, que je risque pas mal de trucs, c’est Sytry… mais pourquoi moi ? C’est pas comme si les lieux étaient vides… non, il y a foule et il a fallu qu’il m’accoste, moi… ouais, évidemment, vu mon accoutrement, parfait pour la rue et les squat, ça tranche un peu avec la tenue vestimentaire de rigueur ici. Eh merde, j’aurais du y penser et m’habiller autrement… choisir ses vêtements selon les lieux fréquentés… je dois retenir ça. Il a rapidement vu que je ne suis pas le propriétaire de ce corps. Autant être franc. Peut-être qu’en étant franc, je ne me ferai pas massacrer.

Oui, c’est sans doute de la flatterie, je suis pas très doué avec les formules de politesses, les procédures hiérarchiques… ni le respect.

Si j’avais pas pu me payer un verre, j’en aurais pas pris… je fais qui avec ça ? Je suis mal à l’aise… ça m’agace… ça m’irrite. Je déteste ça. Quoi, faut que je le remercie maintenant ? Ça se remercie entre eux les démons ? Maintenant, j’ai une dette de 7.50$ envers le Grand Démon Sytry ? Shit… Pourquoi je suis sans-abri ? Ça l’intéresse vraiment ? En quoi ça pourrait intéresser Sytry ? Je relève le nez de mon verre et je lui jette un rapide regard, perplexe. Toute trace de potentielle tentative de faire semblant d’être à l’aise et amusé me quitte. J’essaie de la retenir, mais je n’y arrive pas.

J’ai de l’argent… mais je préfère pouvoir me déplacer facilement. Et ne pas rencontrer des gens si je peux les éviter. Enfin, les rencontrer quand je veux les rencontrer. Et personne ne remarque les sans-abri… enfin, dans des lieux appropriés… je vois bien que là, c’est pas approprié.

Et puis, ce n’est que la tenue vestimentaire. Je me lave, je ne sens pas mauvais, même si je n’ai pas de parfum en général. J’ai une bonne hygiène, mes vêtements snt propres… enfin pas frais laver, mais ils sont généralement propres. Bon, pas tout à fait parce qu’ils sont usés et tachés, mais ça fait partie du camouflage.

Oh est à Los Angeles, c’est pas ici que je vais me les geler, même la nuit. J’ai ma planque, je manque de rien. Et dans un motel, je vais croiser des gens. J’aime pas les gens. J’ai jamais été doué avec… l’existence en général. Si je veux dormir… bah pour le corps, plus confortablement, je préfère les refuges. Personne pse de questions, c’est chaud et il y a à manger.

Des réponses franches. C’est là que je vais voir si les questions qu’il a posées l’intéresse vraiment ou si c’est juste de la pêche à l’information. En même temps, pourquoi ce serait autre chose que de la pêche à l’info. C’est Sytry, il a autre chose à faire que de s’intéresser à une âme errante. Shit, j’aurais dû mieux m’habiller…

Ça tombe bien ? Nn, pas vraiment. Pas quand on se retrouve devant un des appendices de Lucifer. Inné ? Non, évidemment, rien n’est inné. Sauf peut-être la peur. Oui, probablement que ça s’apprend, mais en ce qui concerne les démons, je ne crois pas que ça ait quoique ce soit à voir avec le respect. La politesse et la hiérarchie c’est surtout une manière de ne pas se faire tuer/torturer. Je n’ai jamais éprouvé du respect pour qui que ce soit parce que toute ma vie et même après ma mort ne se résume qu’à une terreur infinie. Mais je commence à en avoir marre. J’aimerais bien apprendre le respect. Ça l’air chouette. Mais trouver quelqu'un de respectable me semble plutôt impossible. Ou presque impossible. Les souvenirs qui ne m’appartiennent pas me confondent parfois. Mais au moins, Sytry semble être plutôt d’accord avec mes choix, mais il croit que c’est de la théorie. Ça n’a rien d’une théorie.

Oh, mais je n’ai aucune classe. Je n’en ai jamais eu. Je ne suis même pas sûr de comprendre ce que ça veut dire outre que d’être une saloperie de prétentieux, dis-je avec une certaine assurance et sans vraiment de regrets. Ni de remords d’ailleurs. Je l’ai dit, je ne suis pas doué pour la politesse. Mais bon, chacun son truc.

Et non, je ne suis pas ici pour la compagnie. Je ne bronche pas à son ton blagueur, parce que pour moi, ça n’a rien d’une blague. J’aurais préféré bavarder avec Kenny que de me retrouver entouré de démons. Il a plein d’histoires de front à raconter à qui veut bien l’écouter. Et même quand on ne veut pas l’écouter. Je me demande s’il va finir en enfer. Il est totalement noyé dans ses propres traumatismes de guerre. Il devrait être soigné… mais tout le monde se fiche de lui parce qu’il est stone la plupart du temps. Mais oui, je suis là pour les informations. J’hoche la tête en guise de réponse. Une proie facile ? Il me cherche ou quoi ? Je lui jette rapidement un regard courroucé. Naaan, il a beaucoup trop de classe pour ça, c’est ça ? Pour moi, ils ne sont pas invisibles les toutous.

Ouais, je sais, mais c’est pas là ou je traîne qu’ils risque d’être le plus présent. Y a que des pauvres gens qui n’ont même pas le luxe d’être mauvais. Pauvres dans tous les sens du terme. Si les khawarijs veulent tuer, ils auront plus de choix dans des endroits peuplés, comme ici.

Et eux aussi ont comme instructions de ne pas les tuer, n’est-ce pas ? Et encore moins que moi d’ailleurs. Ce serait marrant que l’un d’entre eux surgisse, juste à ce moment. Je jette un coup d’oeil à la porte avec envie. Presque autant que de la prendre et me tirer d’ici.

Je me demande s’ils réfléchissent encore comme des khawarijs… Est-ce que les khawarijs réfléchissent ? Est-ce qu'on sait ce qu’ils cherchent exactement ?

Je me demande si un khawarijs va m’anéantir ou me ramener en Enfer. Dans les deux cas, ce n’est pas très plaisant mais je préfère la première option à l’autre, franchement.Toutefois, je compte bien rester ici encore pas mal de temps. Je suis pas débile non plus, je vais pas courir après les chiens quoi.

Je vais me démerder comme je peux. C’est gentil de demander, dis-je avec un grand sourire.

J’ai vraiment pas envie de m’étaler sur mes capacités. Ce sont MES capacités. Enfin, mes capacités parce que c’est moi qui a le contrôle quoi. Je fais ce que je veux, c’est à moi.

Ouais, je suppose que ça dépend à qui on demande. J’avais connu les deux, de mon vivant et je n’avais de toute évidence pas la même définition des bonnes choses que lui. Parce que ce soit durant mon enfance très pauvre ou dans ma vie d’adulte très riche, je n’ai décidément pas pu profiter des bonnes choses puisque je me suis retrouvé en enfer. D’un autre côté, en profiter trop m’aurait sans doute conduit en enfer également, mais à l’opposé. Sans doute que j’aurais eu envie d’en profiter encore plutôt que de vouloir tout voir brûler.

C’est probable. Je suppose que je suis encore trop humain pour le prendre avec autant de détachement. Ma seule envie maintenant quand j’entre dans un endroit comme celui-ci, c’est de l’incendier jusqu’aux fondations, dis-je en regardant le démon.

Je suis certain que je souris en lui disant ça, mais j’essaie de le cacher en replongeant le regard dans mon verre. Ce n’est sûrement pas une bonne idée de le faire ici. Pas encore du moins. Peut-être qu’un jour j’en aurai la possibilité et la capacité. Voir tout ce luxe aux proies des flammes, voir les couleurs se noircir et devenir cendres. L’idée est presque jouissive, tout autant que de faire simplement imploser tout le bâtiment. Ça je pourrais. Bon, encore un peu de pratique, mais je pourrais !

Je prends une inspiration, satisfait de mes images mentales et je reviens au khawarijs. Hmmm, alors je me trompe. Tant mieux, si je me trompe, ça veut dire que j’aurai appris quelque chose et savoir de nouvelles choses est toujours utile. Je regarde à nouveau le démon et j’assimile avec attention les informations qu’il veut bien me donner.

Ah ouais, c’est vrai… ils ne réfléchissent pas…

Je suppose que c’est la raison pour laquelle je ne suis pas devenu un khawarijs. Ça doit être reposant de ne pas réfléchir et d’agir seulement par la peur et l’instinct. C’est peut-être ce que je devrais faire. Faire comme les khawarijs. Avancer, tout détruire et fuir quand je n’ai pas l’avantage. Être la personne qui regarde le monde brûler, en sachant très bien que je serai un jour ou l’autre face aux flammes. Mais franchement, ça ne me fait pas grand chose. Peut-être que je devrais faire comme lui. Enfin presque. Mon style serait plutôt de profiter des «bonnes choses» et tout faire exploser, ou imploser, derrière moi. Quoique je marcherais probablement à reculons, pour profiter du spectacle. Quoique, agir comme un khawarijs sans cervelles c’est ce que j’ai fait la première fois que je suis revenu de l’enfer. J’estime malgré tout avoir évolué, d’une certaine manière. Je ne suis peut-être pas destiné à devenir un khawarijs après tout.

Je ne suis pas du genre à me plaindre, mais ouais, je suppose, dis-je tout à fait consciemment.

Encore des questions sur mon hôte. De toute évidence, il s’y intéresse plus qu’à moi. Autant rester vague. Je préfère qu’il n’en sache pas trop. Une concise, voilà ce qu'il faut.

Plusieurs mois. Je le maîtrise bien. Je l’ai bien en main. Il est confortable, je n’ai pas l’intention de m’en défaire de si tôt.

Affirmation qui explique que je suis plutôt satisfait de mon sort actuel et que je n’ai pas l'intention de le risquer bêtement. Mais cette affirmation me fait penser à une autre possibilité que je n’avais pas vraiment prise en compte jusque-là. J’hausse les épaules. Après tout, si un khawarijs me tue avec mon hôte, je n’aurai pas de 3e chance comme on dit. Pas que ça m’importe vraiment, mais il n’y a que les idiots qui ne réfléchissent pas après tout. Ouais, être bête c’est reposant, mais ce n'est pas très viable. À long terme du moins.

Et s’il s’avérait que finalement je préfères… de l’aide ? Du secours ? Du soutien ? Je bute une seconde ou deux sur le terme approprié… les démons c’est pas particulièrement des machins secourable. Ne pas me démerder tout seul ? J’hausse les épaules. Autant connaître toutes les options qui me sont offertes.

J’ai la prétention de ne pas… enfin, de ne plus me considérer comme un idiot sans cervelle.Je l’ai cru trop longtemps.

Je ne sus pas stupide, non, en effet. Ou du moins j’espère que je ne le suis plus. Elle avait raison, c’est vraiment le message des démons. Un passage en enfer et après les tortures, tout sera clair. Et pourtant, j’ai déjà passé des décennies à être torturé et ça n’a pas changé mes envies d’incendier le monde et en particulier les démons. J’ai même passé ma vie à être torturé et ça ne m’empêche pas de croire que l’Enfer c’est une idée de merde. Je voulais disparaître, pas «être» encore. Je voulais cesser de souffrir, pas être torturé éternellement. Je ne crois pas avoir déjà été vraiment sain d’esprit, mais je sais que ce n’est pas ça.

Ah, oui, sans doute. Et je ne voulais pas incendier cet endroit particulier. C’est juste le genre d’endroit que je voudrais incendier. Un endroit luxueux où tout le monde mérite l’enfer, dis-je. Une prison ce serait sans doute marrant.

J’eus un sourire. Attirer un khawarijs dans une prison, ce serait hilarant.Mais je garde cette pensée pour moi. Je pourrais peut-être le faire. Ma réponse «plusieurs mois» ne semble pas être tout à fait satisfaisante. Peut-être qu’il aurait préféré que je lui dise plusieurs années, même si en fait c’est seulement des mois ? Je sais me débrouiller, après tout, j’ai traversé la moitié du monde pour revenir ici. Le hic, maintenant que j’y pense, c’est que le ici est nettement plus dangereux. Pour moi du moins. Oh oui, j’accepte de l’aide. Je ne connais pas grand-chose à la magie. J’ai des réticences à la magie, je me suis déjà fait avoir une fois. Je ne crois pas qu’il y ait eu de malice de la part du sorcier, je suis conscient que c’est moi qui ne savait pas ce que je demandais.

Oh, ce que j’en pense c’est que ma préoccupation, ce n’est pas quelle aide je suis prêt à accepter, mais plutôt quel prix je suis prêt à payer pour ladite aide.

Parce que ce sont des démons, le prix à payer est généralement très élevé. Ils ont déjà mon âme, et je doute que l’argent soit une rémunération intéressante pour eux, donc c’est probablement un échange de service. J’espère que ça en vaut la peine.

Sans aucun doute. Techniquement, il pourrait le faire pour le plaisir seulement, mais à ce qui paraît, Sytry aurait des principes. Des principes démoniaques, mais tout de même. Mais j'espère ne pas être assez bête pour me faire choper du premier coup. Je ne suis pas encore prêt à avoir cette envergure encore. Ça viendra. Je me contente d’hocher la tête. Y a-t-il vraiment une réponse à cette menace ? Probablement, mais rapidement comme ça, la répartie ne me vient pas.

Ouais, non, j’avais compris. Son lieu de prédilection, c’est un endroit comme ici, chic, prestigieux, plein de richesses, là où c'est facile à vivre quoi. Evidemment, puisque les plus grands monstres sont toujours entourés de luxe et de richesses. Je suppose que c’est plus facile de penser à des trucs mauvais quand on a pas à se soucier de nos besoin de bases au quotidien. Et par le fait même, c’est facile de faire des choix plus convénients avec les autres quand on n’est pas dans la misère. La vie est injuste. La mort également. Je suis bien placé pour le savoir. Je suppose que c’est une partie de l’enfer. Est-ce que je méritais vraiment l’enfer ? Peu importe, ça n’a plus vraiment d’importance. Il est trop tard.

Que je me soucie du prix à payer semble l’amuser. Et je le sais parce qu'il ricane. À mon avis un démon de l’envergure de Sytry, avec son goût du luxe ne doit pas ricaner juste pour ricaner. Je suis étonné qu’il n’y ai pas de prix. Je le dévisage, perplexe, tandis qu’il me toise.

Tu me niaises, dis-je avec autant de spontanéité que de doute dans la voix.

Assurément c’est une entourloupe. Quelle armée laisse ses soldats sans prix à payer ? Oui, façonner, c'est sûrement le bon mot, et franchement, ça fait déjà quelques décennies que je le suis et je suis loin d’être un bon petit soldat. Je suis encore ici quand je pourrais n’être rien du tout. Si j’avais eu le choix… mais je ne l’ai pas eu. Ou le choix imposé ne me plait pas.

À vrai dire, non. Ça ne me convient pas. Mais je suppose que ce n’était que… comment dire, une formule de politesse. J’aurais préféré savoir d’avance ce que le numéro de téléphone proposé peut bien coûter, mais je suppose que je le découvrirai assez rapidement.

Une sincérité presque indécente. j’en suis conscient. Aurais-je dû y mettre des formes ? Mentir et dire que tout ça me convient parfaitement ? Et enrober tout ça de politesse ? F*ck around and find out, je suppose.

Je peux appeler pour papoter si je m’emmerde ? demandai-je sur un ton amusé avant de prendre une mine perplexe. Faut que je me trouve un téléphone avant, bien sûr.

Bah ouais, je vais pas prendre celui de Matthew quand même.

Ah bon ? Genre on peut faire confiance à un démon ? Ça contredit tout ce que je pense. Mentir à tout va, certes pas, mais… Ouais, non, je ne le crois pas. Pas tout à fait. Mais je suis bien prêt à jouer le jeu. Si c’est pour me faciliter la tâche, pourquoi pas. Mais oui, ok, autant profiter de l’offre gratuite après tout. Je verrai tôt ou tard si je dois payer ou non. J’accepte donc le numéro, sachant très bien que j’aurai à le payer tôt ou tard, potentiellement sous le couvercle du «devoir de soldat» probablement. Mais je ne suis pas un soldat. Et je suis encore moins un soldat. Non, je suis beaucoup trop désobéissant, sauf quand c’est dans mon intérêt. Je suis égocentrique, mon seul intérêt est d’être loin de l’enfer et de ses tortures. Je fais une blague avec l’idée de l’appeler pour bavarder et il me réplique que je connais la réponse. J’esquisse un sourire entendu. Oui, évidemment, je n’étais pas sérieux de toute manière. Quoique pour le divertissement, ouais, ça aurait été marrant.

Exister plutôt, je marmonne. Ce n'est pas vraiment ma vie, c’est celle de Matthew. Mais bon, je suppose que pour lui c’est du pareil au même. Je sais toujours faire la différence, moi. Y a pas beaucoup de sans abri qui ont des téléphones. Mais ouais, s’il est discret, ça peut être utile.

J’ai encore cette tendance à me comparer aux vivants, aux humains vivants, tout à fait. Moi avoir tort ? Évidemment. Pourquoi en serait-il autrement ?.

Si je suis une âme errante, c’est que j’ai eu tort, ça n’a donc rien d’étonnant.

C’est potentiellement la raison principale du pourquoi je me suis retrouvé en enfer en premier lieu. Alors pourquoi ça changerait ? Non, ça ne change rien. Même si j’ai tort, ça ne m’empêchera pas de penser ainsi. Parce que si j’ai tort à son sujet, ça ne signifie pas que j’ai tort au sujet de tout. Sytry vide son verre et paie. Il a payé clairement pour le mien aussi. Errrrrh. Ouais, non, je n’apprécie pas tellement ce démon. Surtout parce que je sais que ça risque de mal se terminer. Je ne suis pas un bon soldat. Je ne suis pas du tout un soldat. Peut-être est-il honnête, mais personne ne peut être véritablement honnête avec lui, parce que c’est lui le chef. Et quand on a des tyrans comme chef, l’honnêteté est généralement une mauvaise chose, surtout si on est honnêtement contre. Je ne suis pas non plus suicidaire. Mieux vaut l’éviter.

Aaaaaaw, j’ai été choisi ! C’est un honneur ! dis-je le plus honnêtement possible.

Le bref échange avec le barman démon ne me dit rien qui vaille. Je compte bien terminer mon verre et me tirer dès que le barman aura le dos tourné et potentiellement ne plus jamais remettre les pieds ici.