Comme toutes les nuits depuis des mois, plusieurs équipes de résistants se déployaient à travers la ville pour protéger plusieurs zones de potentiels chiens de l'Enfer. Nous avions mit au point un roulement efficace, même s'il n'était pas parfait. Ce soir, je dirigeais l'une des équipes dans les rues nord-est, concentrée et discrète, j'avançais à pas de loup, lampe torche en main et pugnalis ainsi que 9mm à la ceinture. Je ne pouvais tenir une arme en main si jamais on tombait sur des passants, mais elles étaient toujours à portée et prêtes à être dégainées.

Nous étions un escadron de quatre résistants, Alessia, moi et deux recrues avec des années d'expérience et équipés des armes nécessaires à notre chasse. Brett et Amy. Quand nous avions atteins notre zone attitrée pour ce soir, je leur avait fait signe, avant que chacun de nous ne s'éloigne dans une rue différente. Nous devions couvrir un maximum de terrain, tout en restant à porté au besoin. Concilié les deux n'était pas forcément facile, mais nous avions trouvé un compromis qui semblait fonctionner, puisqu'aucune de nos recrues n'étaient à déplorer à cause des khawarijs. Quelques blessés, mais rien que nos sorciers ou notre pôle médical ne sache régler, ce même avec l'absence de Matt.

Les lieux étaient semble-t-il déserts, mais ça n'était qu'en apparence, car il y avait déjà eu de nombreuses attaques dans les rues adjacentes et nous n'étions pas la première équipe que j'avais affecté là. Qui plus est, nous étions presque certains d'avoir perçu du mouvement plus tôt. Sans avoir clairement vu les chiens, pour autant. J'avais décidé de s'en tenir quand même au plan initial, puisque nous étions là pour une raison. Une confirmation de présence ne changeait rien. D'autant plus qu'un ou des chiens ici, ne signifiait pas qu'il n'y en aurait pas sur les terrains qu'étaient censés occuper mes trois compagnons. Au moins, nous, nous avions de quoi les voir et nous défendre.

Sur mes gardes, j'avais contourné un bâtiment, puis m'était avancée, notant rapidement quelques traces au sol. J'avais eu vite fait de les inspecter et constater qu'elles semblaient animales. Des traces des chiens de l'Enfer, sans aucun doute. Au moins l'un d'entre eux était passé par là récemment et avait attaqué ou tenté d'attaquer quelqu'un. Il ne semblait pas y avoir de trace de lutte, alors... peut-être que la personne avait prit la fuite en voiture ? Parce que quelques traces de pneu plus loin pouvaient le suggérer. Dur de dire si elles étaient récentes, cela dit. C'était moins facile à savoir qu'une trace dans un sol humide.

Je me redressait, la lampe dans une main et l'autre sur le manche de mon pugnalis caelestis. Cette fois, c'était certain, j'avais entendu un bruit derrière moi. Pourtant je ne voyais rien, pas de chien, pas un seul passant, ils se faisaient plus rares à cette heure. J'avais saisi le talkie-walkie dans mon dos, dans la poche arrière de mon jean et avait appuyé pour contacter les autres.

« Pas d'attaque pour le moment ? Tout le monde est sur sa zone ? » Fis-je, chuchotant presque. J'avais obtenu une réponse des trois résistants m'indiquant aucun danger apparent, puis rangé l'appareil là ou je l'avait prit, avant de reprendre ma ronde.

J'étais certaine d'avoir entendu un bruit, cela dit, rien n'indiquait qu'il s'agisse d'un danger ou de chiens de l'Enfer. Tenir nos positions était plus important, tant que je pouvais me débrouiller seule. Il n'y avait qu'a vérifier prudemment le lieu d'où provenait le son. J'avançais doucement, rangeant la lampe torche à coté du 9mm et mes mains prêtes à dégainée l'une des deux armes. Quand j'arrivais dans une zone pas du tout passante et plus sombre, là d'où semblait être venue le bruit, j'avais choisi et sortit l'arme blanche de son étui. Elle serait plus facile à cacher, si jamais je tombait sur un quelconque innocent et plus efficace si c'était un chien de l'Enfer ou un démon.

La nuit enveloppe les rues de Los Angeles. Nouvelle nuit à patrouiller à la recherche de l'un de ces chiens de l'enfer. Armée de mon pugnalis, je hoche la tête à mon amie et chef avant de m'éloigner vers la rue indiquée. Je suis sur mes gardes, me fondant dans l'obscurité de cette rue qui semblait désertée de toute âme. Je sursaute légèrement en entendant le bruit de mon talkie-walkie, attaché à ma taille avant de répondre à mon amie.  »RAS pour le moment » Ma voix est calme, presque sereine. Je commence à avoir trop l'habitude de faire ce genre de chose, et contre toute attente, j'étais particulièrement douée. Il faut dire que je me suis entraînée d'arrache-pied depuis plusieurs années maintenant, échangeant mes chaussons de danse contre une paire de rangers. Je ne pensais pas prendre autant de plaisir à traquer, à combattre lorsque je commençais à apprendre quelques techniques avec Castiel. Je soupire, pourquoi fallait-il que je pense encore à lui ? Pourquoi fallait-il que mes pensées reviennent toujours vers lui ? et dire que cela faisait déjà plus d'un mois que je n'avais presque pas donné de nouvelles. Il savait juste que tout allait bien pour moi, et que ma dernière excuse teintée de vérité était que j'étais fort occupée, que mon objectif numéro un était de retrouver Matt... Pour ensuite repartir en Italie. Mais... avais-je vraiment envie de repartir ? Pour retrouver ma grand-mère certes, dont personne mis à part Elena connaissait son existence... Dans le seul but de ne pas la mettre en danger. On m'avait déjà retiré un frère, Grégory... Mon frère jumeau, une partie de moi-même, tué dans des circonstances douteuses... Je commençais seulement à me faire à l'idée que je ne saurais jamais ce qui s'est vraiment passé, ni qui l'a tué. Un démon... Mais pourquoi s'en prendre à un nephelim ? Je me forçais à penser que je n'avais rien à voir avec sa mort... Ce deuil est, et sera toujours aussi douloureux... Je n'avais même pas dit à Castiel que Grégory était mort, j'étais incapable de prononcer ces mots... Je suis une paumée, une paumée en quête de son meilleur ami... car ma famille aujourd'hui, c'est Elena, Matthew et Ana-Maria. 

Il se sera passé plusieurs minutes avant que mon flot de pensées ne soit interrompu par une prémonition, une vision claire et nette d'Elena en train de se faire attaquer par-derrière par l'une de ces saloperies. Les mains sûres, mais le cœur tremblant, j'attrape mon talkie-walkie.  « Elena, derrière toi... j'arrive » Je cours, j'accélère, faisant preuve d'une agilité presque surnaturelle pour arriver à l'endroit où se trouve mon amie.  La rue est mal éclairée mais je peux distinguer la grande blonde à plusieurs mètres de moi en train de me fixer avec incompréhension. « Il est là... J'en suis certaine... » et c'est sans doute, alors que ma phrase sera ponctuée de trois petits points que le khawarijs sortira de l'ombre pour s'opposer à ses chasseurs. Ma surprise ne durera que quelques secondes, déjà l'adrénaline s'empare de mes tripes pour que je puisse rejoindre Elena en quelques enjambées, arrivant par derrière la créature, plantant mon arme dans son dos, lui donnant plusieurs coups de couteau avant de me faire envoyer sur les roses à quelques mètres de là. Je me relève doucement, prête à contrer une éventuelle attaque, cherchant mon amie du regard... ce n'est pas la première fois qu'on combat ensemble depuis mon retour, et je commence à la comprendre sans même avoir besoin de parler. Je suis confiante, mais il faut agir vite, et surtout éviter les crocs et les griffes de cette créature.

J'ignorais vers quoi je me dirigeais en suivant ce bruit. Un chien de l'Enfer ? Un sdf à moitié endormi ? Un rat qui faisait les poubelles ? Les possibilités étaient nombreuses, cela dit, je restait sur mes gardes. Je n'avais pas parlé à mes camarades au talkie. Hors de question de les faire venir alors pour rien, s'il s'avérait que je ne trouvais qu'une des nombreuses possibilités inoffensives. J'avançais, me rapprochant doucement de la ruelle en face de celle ou je me trouvais. J'étais a présent dans la rue principale de mes rondes, quand j'avais entendu le grésillement du talkie, suivie d'une mise en garde d'Alessia. « Elena, derrière toi... j'arrive »

Ni une ni deux, je m'était retournée, les yeux rivés sur la rue que j'avais commencé à étudier avant que le bruit ne se fasse entendre. J'avais foi en Alessia et ses prémonitions. Car ça ne pouvais être que ça, qui l'avait fait me prévenir d'un danger, alors qu'elle était dans une autre rue. J'avais pu apercevoir et entendre Alessia arriver, dans le coin de mon champs de vision et sans me détourner de la ruelle dangereuse, si je me fiais à Alessia, j'avais jeté un rapide coup d’œil interrogateur vers mon amie. Pas besoin de mots, j'étais sûre qu'elle m'avait comprit et elle me l'avait prouvé juste après en répondant. « Il est là... J'en suis certaine... » Il ? Qui il ? Elle voulait parler d'un chien, non ? Le motif de notre venue dans ces rues ? Probablement. Après tout, c'était étrange de dire « c'est là » pour parler de créatures vivantes, même si vivantes... n'était peut-être pas réellement le mot adéquat.

Finalement, j'avais eu ma réponse et Alessia confirmation que l'animal était bien là. Il avait tardé à se faire voir, probablement parce qu'il ne s'attendait pas à ce que je me retourne grâce à la mise en garde de mon amie. Elle m'avait évité une attaque surprise, je lui en était reconnaissante. Et je m'en voulais un peu, d'avoir été happée par un bruit qui ne devait rien avoir à voir avec les chiens, au final. J'avais sortit mon pugnalis et l'avait en main, prête à me défendre, mais je n'attaquais pas, puisque j'attendais une attaque de l'animal pour ne pas frapper en première. Après tout, j'étais directement dans la trajectoire de sa gueule acérée et de ses griffes effrayantes, il me fallait voir par ou il attaquait, pour mieux esquiver et ne pas me jeter dans la gueule du loup, ou du chien, accessoirement. Avant que quoi que ce soit de tout ça ne se produise, cela dit, Alessia avait attaqué la créature, sous mes yeux ébahis, tentant de planter à plusieurs reprises son pugnalis dans le dos de l'animal. Les mouvements de la bête avait forcé ses coups à ne pas trouver proprement la cible, mais elle l'avait entaillé à plusieurs endroits à défaut de l'avoir proprement planté et détruit. Elle s'était alors faite éjectée et j'avais voulu crié son prénom, inquiète, mon instinct m'avait cela dit intimé de ne pas le faire et de ne pas exciter la bête. Alessia semblait aller bien et se relever, ce qui m'avait aussitôt rassurée de toute façon.

Tout ce temps, j'avais gardé une position de défense, mon pugnalis se tenant entre moi et la créature, à présent blessée. J'avais alors vu derrière le chien, du mouvement supplémentaire. D'autres arrivaient, deux, peut-être trois. L'arme dans une main, j'avais voulu prévenir les autres résistants sur le talkie, mais je n'en avait pas le temps. De toute façon, ils avaient probablement entendu la mise en garde d'Alessia. S'ils n'étaient pas eu même en train de combattre, ils étaient déjà probablement sur le chemin. J'avais alors fait signe à Alessia de s'occuper du chien qu'elle voyait, les autres étant très certainement hors de son champs de vision, cachés par le mur qui menait à la ruelle qu'ils avaient tous emprunté. J'avais roulé sur le côté, évitant une attaque du chien que j'avais laissé à Alessia, après tout, elle l'avait déjà bien amoché et méritait de planter pour de bon ce monstre.

Quant aux autres... Je n'était pas capable de tous les combattre en même temps. Il ne restait qu'a espérer que les autres puissent nous rejoindre, ou qu'Alessia puisse se débarrasser assez vite du sien. J'avais au pire des cas, deux sachets de poudre de Kholn dans ma poche arrière, de quoi gagner du temps, si jamais. A présent plus en vue, alors que je me relevait de mon esquive, les chiens étaient facile à compter et heureusement pour nous, il n'y en avait que deux supplémentaires. Les ombres étaient parfois traitresses, mais au moins c'était à notre avantage. Trois en tout, au lieu de quatre... C'était toujours ça de prix.

Probablement excités par le combat qui avait déjà été lancé, les deux créatures ne m'avait pas donné l'occasion de choisir de les attaquer la première. Très vite ils s'étaient rapprochés de moi, s'écartant légèrement pour m'encercler à moitié. Mon pugnalis en main, mes autres solutions de défense en tête, J'avais fait un pas de coté et tourné à moitié mon corps pour éviter que celui de droite ne lacère mon bras de ses crocs. Quant à celui de gauche, j'étais toujours bien consciente de sa présence mais avait du y aller à l'instinct et presque entièrement à l'aveugle, l'entaillant légèrement sur le haut d'une patte.

« Je crois qu'on est seules. Les autres seraient déjà la sinon ! » Soufflais-je à Alessia, sans la regarder, restant concentrée sur les dangers me concernant. Probablement en colère par la blessure que je lui avait infligé, le chien de gauche m'avait attaqué plus rapidement que l'autre. Je l'avais reçu d'un coup de pied en pleine mâchoire inférieur, de quoi éviter les crocs et le sonner un peu, je l'espérait. Quant à celui de droite, il semblait s'être mis à me tourner autour, comme un prédateur autour de sa proie et je l'avait suivi du regard, tournant avec lui, afin de ne pas le laisser me prendre à revers. Je m'était donné un tout petit peu de temps avec l'autre, autant en profiter. Le point positif était qu'au moins, Alessia n'était plus dans mon dos, mais face à moi, maintenant que je m'étais tournée. Je pouvais donc m'assurer qu'elle allait bien et combattait sa créature. Restait à savoir comment nous allions gérer la troisième, car un vs un, c'était normalement plus pratique face à ces chiens infernaux. Deux angles possibles d'attaques, rendait les choses bien plus risqués et difficiles.

L'adrénaline transpirait dans chacun de mes pores, cette sensation qui pourrait me rendre presque addict, me faisant oublier mes ruminations de petite humaine. Enfin humaine, cela faisait des années que je ne me sentais plus réellement humaine, juste un petit monstre aussi assoiffé qu'un nourrisson accroché au sein de sa mère. Je faisais mon possible pour garder une conduite exemplaire, domptant mon instinct de nephelim grâce à des subterfuges, évitant de côtoyer les humains lorsque je n'ai pas la possibilité de me nourrir. Je savais que la frontière était fine entre le bien et le mal et qu'une seule mauvaise action pourrait me faire basculer dans les abysses de mon âme. Ma force résidée dans mon lien avec mes amis, qui étaient devenus ma famille, Elena, Matthew et récemment Riley. Je dis récemment, car cela fait que quelques années que nous nous connaissons et on ne peut pas dire qu'on a la chance de se fréquenter énormément. Il y avait Connor, mais je ne réussissais pas à le friendzoner correctement, quant à Ezechiel, il s'avère être plus un guide spirituel, un allié, et non un ami... pour cela, il faudrait qu'il soit doté d'émotion. En parlant d'émotion, bien souvent encombrante, mais très utile ce soir. Ce sont mes sentiments envers mon amie qui m'ont permis d'arriver aussi vite à son niveau pour la prévenir de cette attaque. Les événements s'étaient dégradés assez vite avec moi au sol, et l'arrivée de deux autres chiens. Je n'entendais pas les autres arrivés, et je commençais à m'inquiéter, pourtant, nous faisons assez de bruit pour réveiller un mort. Je me relevais, m'apercevant qu'Elena était déjà fort occupée avec deux autres bêtes monstrueuses... Le genre de créature qui réside dans les cauchemars des enfants... Voilà un grand méchant loup de taille, le genre de loup que j'imaginais enfant lorsque j'avais des difficultés à m'endormir, c'était bien avant d'avoir des visions en lien avec Lucifer, ce qui entre nous, était le paroxysme de l'horreur... bien qu'il soit en costume et avec une odeur de musc beaucoup moins forte. 

M'inquiétant pour mon amie, je me dépêchais d'en finir avec celui qui venait de m'envoyer sur les roses. Ses babines étaient impressionnantes, quant à ses griffes, elles pourraient m'ouvrir en deux sans aucunes difficultés. Je reste calme, tandis que nous sommes en train de nous jauger, attendant que l'un de nous attaque le premier. Il grogne, me menace, prend une stature inquiétante avant de bondir sur moi, prêt à me dévorer, à arracher ma tête du reste de mon corps. Avec agilité, je m'abaisse au bon moment pour planter avec force mon pugnalis dans sa chair, sans le louper cette fois. Je roule à temps sur le côté pour pas que son corps retombe sur le mien, le souffle complètement coupé, mais ce n'est pas le moment de faire une pause. Mon amie est toujours en mauvaise posture, et l'inactivité du reste de la troupe me semble inquiétante... à moins qu'ils soient dans la même posture que nous ?

Je fixe Elena, observant la situation, la bête tournant autour d'elle... Je profitais du désappointement de l'autre bête pour avancer vers Elena, mais je suis vite stoppée par la créature qui venait déjà de reprendre ses esprits... un contre un... le combat était plus juste... mais l'animal qui me faisait face ne semblait pas apprécier ce que je venais de faire à son alter égo. « Elena... » dis-je simplement dans un souffle, la bête me semblait plus grosse que l'autre... bien que je doute que ça soit possible, si ? « Tu n'as rien ? » Je tien fermement mon pugnalis, attendant le meilleur moment pour attaquer.

Il y en avait un de trop. Mais ça n'était qu'un ! Nous avions vu pire. Que ce soit avec des démons ou des chiens. Et nous étions équipés. Voila ce qui trottait dans ma tête au décompte des chiens.

Mais, si au départ, nous avions été en sous nombre vu la non intervention évidente de nos camarades un peu plus loin, tout s'était vite amélioré. Alessia avait détruit le sien et à présent, nous étions en un contre un. Nettement plus juste et moins risqué. Peut-être qu'on pourrait faire sans utiliser tout notre arsenal de ce soir, en fin de compte... Alessia prenait de mes nouvelles la première et je soufflais :

« Je vais bi... » Mais je n'avais pas terminé ma phrase ou pu lui demander comme elle, elle allait. Une voix s'était fait entendre. Une que je ne connaissait que trop bien. Un instant, j'étais restée parfaitement immobile, sous le choc. Non seulement de sa présence, malgré la dernière fois en mai, mais également de son discours ou ses actions. Il maintenait les chiens au sol, non ? Avec le pouvoir de Matthew ! Le choc passé, j'avais enfin réagit à ses mots « Faudrait y aller avant qu’ils se calment. J’ai pas le droit de les tuer. »

Le but premier, c'était de se débarrasser des chiens, en effet. Mais Matt... Il était face à moi, à seulement quelques mètres, cette fois... C'était difficile de rester concentrée sur la tâche principale, dans ces conditions. Malgré tout, je me forçait à avancer le pugnalis en main, vers les chiens immobilisés.

Avant que je n'arrive pleinement à porté de coup de couteau, il avait de nouveau parlé, ou donné un conseil. Et c'était encore pour nous, n'est-ce pas ? Parce qu'il ne pouvait pas attaquer les chiens et leur donner des conseils pour mieux nous attaquer. Ça n'aurait eu aucun sens. Je ne répondait pas, je n'allais pas discuter plans de combat et autre choses du genre avec l'âme qui possédait mon mari. D'autant plus que cette organisation était efficace. Nous avions réussi à arrêter bon nombre d'attaques, sans aucune perte de notre coté. Seulement des blessés. Nos recrues étaient de plus en plus nombreuses, après tout, mais toutes n'étaient pas en mesure de s'attaquer aux chiens. Pas assez formées, équipés... Nous devions nous organiser avec les effectifs disponibles et en prenant en compte les victimes potentielles. Se séparer comme ça, même si ça semblait trop, pour lui, c'était la seule solution pour arrêter plusieurs groupes de chiens. Nos camarades devaient être occupés avec des chiens eux aussi, puisqu'ils n'étaient pas venus. Une preuve que c'était nécessaire. Si nous avions été tous agglutinés ensembles, une attaque nous aurait échappée et qui sait ce que des innocents auraient subit.

A porté des chiens, je restait sur mes gardes. Non seulement pour eux, mais également pour lui. Alessia comme moi, pouvions être des cibles. Il pouvait toujours prétendre les contrôler pour les aider ou... Mais je plantait finalement mon pugnalis dans la chair du premier chien et doutait de cette théorie. Il restait toujours un risque venant de cette âme noire. Mais le plan n'était pas de nous piéger avec les chiens, en tout cas. Je ne vérifiais pas si Alessia avait fait la même chose que moi, car j'avais pleinement confiance en elle. Et savait que le dernier chien serait détruit.

Non à la place, je gardait mes yeux rivés sur lui. Sa barbe, son accoutrement... On aurait presque pu ne pas le reconnaitre. Mais pas moi...

« Pas certaine que tu ai le droit de faire ce que tu as fait, non plus, non ? » Demandais-je, essayant de gagner du temps. Il parlait de droit, surement vis à vis de l'Enfer. Alors aider deux résistantes contre des chiens de l'Enfer... Est-ce qu'il nous avait vraiment aidées ? A quoi il jouait, exactement ? Je voulais comprendre, mais je ne pouvais pas réfléchir de trop. Car nous devions profiter de cette situation. Nous devions l'immobiliser à son tour. Pour qu'un sorcier puisse venir l'exorciser, ou qu'on l'emmène à l'un d'eux. Mais nous devions faire attention, car il avait prouvé savoir utiliser le don de Matthew, et nous étions encore que deux. Deux contre une âme infernale dotée de télékinésie, que nous refusions de blesser... Je préférait nos chances avec les trois chiens, pour être honnête. Mais c'était une occasion bien trop belle, pour ne rien faire...

« Pourquoi tu l'as fait, d'ailleurs ? » Je doutais d'avoir une réponse, ou une sincère. Mais ça n'était pas le but premier. Même si j'avais effectivement envie de comprendre. Pour le moment, je continuais de gagner du temps. Pour qu'on puisse se rapprocher et l'immobiliser, pour qu'on puisse voir arriver nos camarades... N'importe quoi. Gagner du temps, actuellement, était primordial.

Cette voix. Cette simple voix. Je pourrais la reconnaître entre mille. D’abord la joie de revoir mon meilleur ami… Suivie par l’amertume, car je sais que ce n’est pas réellement lui. Cependant, il vient nous aider, nous accompagner dans l’accomplissement de notre tâche. Elena semble ne rien montrer, mais je ressens au fond de moi ce qu’elle peut ressentir. Je connais que trop bien les blessures du cœur, et de voir Matt si proche et en même temps si loin est d’une cruauté sans nom. Je ne parle pas, laisse le soin à Elena d’échanger avec l’âme noire, elle est beaucoup plus diplomate puisque ma première idée était d’oublier les chiens et de séquestrer Matt de la meilleure manière possible. Je viendrais faire la même chose que mon amie, et tuerais le second chien pour l’empêcher de nuire avant de reporter mon attention sur les deux êtres chers à mon cœur.

Comment cela se fait qu’il avait pris le temps de nous venir en aide. A mes yeux, c’était de bon augure, cela voulait dire que mon ami n’était pas si loin que cela. Mine de rien, je laisse l’âme noire portée son attention sur Elena, et contourne pour me rapprocher de lui sans paraître hostile, prête à bondir sur lui, à l’attraper, à y mettre toute la hargne dont je suis capable. Je connaissais les pouvoirs de Matt et il allait me falloir être agile, plus maligne que cette âme pour le maintenir avant de l’assommer afin qu’il ne puisse pas nous faire de mal, ou du moins riposter. Je regarde Elena, mon regard en disant long, l’encourageant à continuer à le faire parler pour qu’il m’oublie… pour qu’il ne puisse pas me voir rapprocher de manière quasi imperceptible.
Je priais intérieurement pour que nos camarades puissent nous rejoindre, pour être en supériorité numérique. Je priais intérieurement pour que mes gestes soient aussi discrets que je le pense.

J'espérais que l'admiration et l'amour que Matt porte à sa femme suffise à ce que l'attention de cette entité soit totalement portée sur mon amie... et si pas, je n'aurais qu'à bondir pour le maintenir de force, laissant le temps à Elena de trouver quelque chose pour lui faire perdre connaissance.

Je n'avais besoin d'une réponse à ma question, que parce que j'essayais de le retenir et l'occuper. Mais j'avais une petite idée de la réponse qu'il allait me donner, même si la fin... m'avait fait froid dans le dos. Notre petit secret... Est-ce qu'il avait ne serait-ce qu'une petite idée de ce qu'il me fallait faire pour ne pas laisser sa simple présence me briser ? Pour ne pas perdre pied et avoir une discussion normale, avec lui ?

« Je ne compte pas envoyer un mail à l'Enfer, je pense que ton secret est sauf... » Blaguer, aidait. C'était le meilleure moyen pour moi de répondre, sans me laisser dépasser par mes sentiments. Mais j'avais tout de même pris soin de parler de son secret et pas du notre.

« Parce que tu en as quelque chose à faire de ce que ressentirait Matthew ? Ou de son pardon ? Tu es là, dans son corps, tu le... » Il avait suffit qu'il ose parler de Matthew plus précisément. Qu'il fasse simplement allusion à ses sentiments pour moi et... J'avais perdu mon sang froid. Mais il le savait certainement, comme il avait remarqué le mouvement derrière lui. Il n'était pas stupide. Ou si l'âme l'avait été, elle avait un corps et un esprit beaucoup plus intelligent à disposition.

« Attends, ne pars pas ! Tu... Tu dis que Matthew ne te le pardonnerait jamais. S'il y a ne serait-ce qu'un semblant de vérité dans cette phrase... Pour qu'il puisse te pardonner, il faudrait que tu lui rendes sa liberté... »

Moi qui lui parlais pour gagner du temps, Alessia qui gagnait du terrain dans son dos... Mais il avait eu un regard derrière lui et il l'avait vue, forcément. Il avait regardé suffisamment pour détailler son visage, alors sa posture... Il savait ce qu'il en était, forcément. D'ailleurs, il n'avait pas manqué de le faire remarquer quand il avait ajouté que nous n’étions pas d'humeur à discuter. J'avais tout de même tenté le tout pour le tout. Parce que s'il partait, notre meilleur espoir allait s'évaporer.

« Je t'en prie... » Ma voix s'était brisée, la supplique trahissant à quel point il me manquait. A quel point il manquait aux enfants, qui n'avaient plus vu leur père depuis bien trop longtemps. J'avais fait signe à Alessia d'arrêter son avancée. Si une attaque surprise n'était pas possible, c'était trop dangereux de toute façon. Alors, j'avais opté pour une autre solution. Probablement perdue d'avance, considérant d’où venait cette âme. Mais... j’avais un infime espoir pour que les tortures n'ai pas encore fait toute leur œuvres, puisqu'il était sorti de l'Enfer avant la fin...

« Je veux juste retrouver mon mari... Nos enfants, veulent revoir leur père... Je t'en prie... » Une larme avait coulé le long d'une de mes joues, mais j'avais tout fait pour retenir les autres.