La mission n'avait pas été de tout repos, mais nous avions réussi notre coup et détruit les quelques démons qui trainaient régulièrement dans un entrepôt au nord ouest de la ville. L'équipe d'attaque, dont je faisait partit, c'était éclipsée, laissant à celle de nettoyage -surtout des sorciers- d’effacer les traces de notre passage. Nous combattions les démons, oui. Mais il n'était pas question de laisser leurs cadavres et des traces du surnaturel de partout dans la ville en le faisant.

Nous avions rejoins nos véhicules, garés plus loin, prêts à partir, quand j'avais entendu mon nom. Je m'étais aussitôt retournée, surprise, pour poser les yeux sur celui à qui appartenait la voix. Il avait peur que je ne le reconnaisse pas. Aucun risque ! Même si Jaden était aujourd'hui en vie, démon, mais en vie... Je n'aurais pas pu oublier le visage ou le nom du jeune homme face à moi. On oubliais pas un souvenir pareil. Ce jour ou j'avais du lui annoncer la mort de Jaden. Je lui avait épargné les détails, comme le fait que ça s'était produit sous mes yeux. Mais mon esprit lui avait gardé, même après tant d'années, une trace de cette nuit là et aussi de l'annonce que j'avais du faire à son petit ami. Ça avait été la seule fois ou je l'avais vu. Jaden m'en avait parlé plus d'une fois, mais à cause de mon travail et parce que j'avais déjà enfreint un grand nombre de règles en devenant une amie proche de Jaden... J'avais préféré éviter de m'impliquer plus encore dans sa vie. Jusqu'à ce que je doive m'en mêler pour des raisons plus sombres.

« Bien sûr, je me souviens de toi. » Je m'étais tournée rapidement vers mes camarades résistants et leur avait soufflé discrètement :

« Dites aux autres de me récupérer. Allez-y, vous avez besoin de repos. » L'équipe de nettoyage, quand elle aurait terminé, serait tout à fait capable de venir me chercher et je ne voulais pas retarder mes camarades présents dans la mission. Car certains avaient grand besoin de se nourrir et/ou dormir. Nephelims, humains dotés... il fallait des forces pour faire ce qu'on avait fait ce soir. Ce même avec l'aide d'articles de magie.

Mes camarades avaient reçu mes ordres et étaient tout de suite montés dans les voitures. Après quelques secondes, tous les véhicules avaient démarrés et nous étions seuls, Zachary et moi.

« Tu es seul ? Tu sais il y a eu de nombreuses attaques d'animaux sauvages dernièrement... Il serait plus sage d'éviter d'être seul, de nuit, dans des endroits isolés. » Quoi que isolé... ça ne l'était pas ce soir. Ne serait-ce que grâce à mes camarades et moi. En parlant d'être seule, il venait de voir mes amis partir et me laisser seule avec lui. C'était plutôt ironique vu comme ça. Cela dit, je savais à quoi m'attendre. J'avais des armes sur moi, la capacité de voir les vrais responsables de ces attaques et surtout... Je n'était pas vraiment seule. Dans une trentaine de minutes tout au plus, des sorciers résistants étaient censé venir me récupérer après leur tâche accomplie.

« Désolée... C'est la mère et l'assistante sociale en moi qui veulent toujours protéger les autres... Même des adultes avérés. » Ajoutais-je avec humour, essayant d'expliquer mes mises en garde. La vérité c'est que c'était surtout la résistante en moi, qui disait ça. Mais, ça n'allais pas franchir mes lèvres.

« Tu... étais de sortie ? » J'ignorais quoi dire. Ou pourquoi il m'avait interpellée. Le savait-il, lui même ? Il m'avait reconnue et peut-être qu'il en avait éprouvé le besoin, avant de se souvenir de cet unique moment qu'on avait partagé. Un moment affreux et triste. Ou peut-être qu'il voulait tourner la page la dessus et que c'était pour ça qu'il m'avait interpellée ?

Il avait semblé soulagé que je me souvienne de lui, ce que je pouvais comprendre. Après tout, ça n'était déjà pas agréable de se souvenir de quelqu'un, quand l'inverse n'était pas vrai. Mais en prime, je doutais qu'il veuille remuer des trucs passés pour me rafraichir la mémoire. La façon dont ont s'étaient rencontrés, était déjà difficile en soit et la situation actuelle, déjà bien assez compliquée, pour ne pas qu'il se sente obligé de me rappeler des trucs du genre. D'ailleurs, je le faisait très bien, moi même.

Je l'avais ensuite mis en garde pour les attaques "d'animaux" et il avait dit être au courant. Même s'il trouvait ça étrange. Pour l'être, ça l'était. Car même si des animaux pouvaient potentiellement attaquer, puisqu'il y avait des pumas sauf erreur de ma part pas plus loin que dans des endroits plus 'désertiques' et pas fréquenté du griffith park. Les attaques étaient trop fréquentes, trop... TOUT ! Elles n'étaient pas naturelles et ça se voyait, pour quelqu'un qui savait. Alors je pouvais concevoir que même en ignorant pour le surnaturel on continue de trouver ça bizarre.

« Oui... C'est étrange. Mais... On ne peux pas prévoir le comportement animal. J'imagine... » J'ignorais quoi dire d'autre. Je n'était pas spécialiste des animaux et savait pertinemment que ça n'était pas des animaux qui attaquaient. Pas au sens plus normal du terme en tout cas. Parce que techniquement... les chiens de l'Enfer avaient tout de l'animal, le coté vicieux et surnaturel en plus.

« Oh... Contente qu'il s'en soit remis. C'est un proche à toi ? Tu... » Je m'interrogeais. Est-ce que son ami lui avait dit ce qui l'avait attaqué du coup ? Je n'étais pas sûre, ayant cette information en plus, qu'il soit si ignorant que je le pensait du monde surnaturel.

« Merci, pour ta compréhension. J'espère, du coup que tu le seras tout autant avec ma question à venir... Et pour le fait que je vais passer outre ton concert. Désolée... » Je marchais sur des oeufs et potentiellement lui aussi, alors, j'avais décidé de faire plus simplement :

« Est-ce que ton ami t'a parlé en détail de l'attaque ? Tu sais ce qui l'a attaqué ? »

Je m'en voulais un peu d'avoir balayé la partie du concert, même si je lui avait dit à l'avance. Mais... nous pourrions y revenir plus tard au pire. Présentement, j'essayais de comprendre à quel point je devais retenir mes informations ou non. Car je n'étais sûre de rien, avec ce qu'il avait ajouté sur son ami.

C'était une tactique vieille comme le monde, que de prétendre qu'un ami était celui affecté. Une part de moi s'était demandé si c'était ça, mais au final, j'avais préféré le croire et éviter de me bloquer sur un possible mensonge. Avec mes questions, cela dit, il avait fini par dire la vérité. Probablement qu'il n'avait pas aimé mentir, non plus.

En tout cas, je savais maintenant qu'il était celui qui avait été attaqué, mais également qu'il n'avait pas bien vu ses agresseurs. Normal, vous me direz. Puisqu'ils étaient invisibles sans les bons artifices.

« Je suis d'autant plus contente que tu ailles bien, alors. » Je passais sur son mensonge, après tout j'avais pris l'habitude d'en sortir entre le surnaturel, la résistance et toutes les choses liées. Je n'allais pas lui reprocher d'avoir tenté de... J'ignorais ce qu'il avait voulu faire exactement en mentant sur la personne attaquée. Mais il avait probablement ses raisons.

« Oui, c'est apparemment un problème récurrent. Les attaques sont trop rapides et personne n'a le temps de... voir quoi que ce soit. » J'étais partagée, car après son mensonge sur son "ami" une partie de moi se demandait s'il ne savait pas des choses sur ses attaquants ou le surnaturel en général. Ça aurait pu expliquer son mensonge, c'était du moins une solution parmi d'autres. Mais si ça n'était pas le cas... Je l'avais protégé à l'époque en lui cachant le détail sur la mort de Jaden. Ça n'était pas pour tout foutre en l'air aujourd'hui, sur une simple intuition. Non, c'était même moins. C'était plus une vague possibilité.

Il parlait ensuite de rage, cherchant à expliquer l'attitude des soit disant animaux qui attaquaient et je réfléchissais un instant. Est-ce que c'était pour me tester ? Est-ce qu'il savait ? Ou est-ce que c'était aussi innocent qu'il paraissait ?

« Difficile à dire... » Je décidais qu'il y avait probablement une façon d'en avoir le cœur net. Sans trop en dire, sans faire référence clairement à quelque chose. Si je dosait bien ma phrase, quelqu'un qui savait comprendrait et sinon... il continuerait sa soirée comme si de rien n'était.

« J'ignore si c'est la rage, ou quelque chose de moins naturel. Mais une chose est sûre. Ces bêtes sont vicieuses... »

Dire bête était modéré, on pouvait imaginer que je parlais encore d'animaux et non de monstres, si on ignorait tout du surnaturel. Quant au reste... j'avais dit des choses sans rien dire vraiment. De quoi tester une bonne fois pour toute s'il savait. Car même s'il ne disait rien, j'allais voir une réaction non ? Il fallait espérer en tout cas.

J'avais utilisé une subterfuge pour savoir si Zachary ou non savais pour le surnaturel et à présent, j'avais l'impression qu'il faisait de même. Rien n'était certain, car nos paroles étaient suffisamment bien tournées pour ne pas éveiller les soupçons d'un innocent ignorant tout de ce monde. Pourtant, tout combiné... je commençais à croire que nous étions sur la même longueur d'ondes, sans oser augmenter le son et dire haut et fort ce qu'il en était.

Je considérais sa réponse à mon allusion, encore et encore dans mon esprit. Est-ce que je devais risquer les choses ? Il y avait encore peut-être dix pourcent de chances que je me trompe. Sa réponse semblait aller dans mon sens, mais... rien n'était jamais certain. Puis... alors que je me perdais dans cette réflexion, n'ajoutant rien à ce qu'il avait dit sur l'invisibilité des créatures qui l'avaient attaqué, il avait reprit la parole. Il parlait de Jaden, c'était certain. Est-ce que Jay avait eu la mauvaise idée de roder près de Zachary et s'était fait voir ? Si oui, c'était stupide selon moi. Quoi que si Zachary savait déjà pour le surnaturel... c'était bien moins problématique. Je réfléchissais à la tournure de ses phrases. Il était certain de ne pas avoir rêvé. Il me demandait si j'étais sûre concernant la mort de Jaden... Seules, ces questions pouvaient être anodines, humaines. Et être le fruit d'un deuil tardif, d'une réaction à un autre évènement traumatique... Pourtant, mises bout à bout avec le reste de notre discussion et de mes doutes... NON, s'il était mort. Était. C'était ce qu'il avait demandé. Je me devais d'en avoir le cœur net. Après tout, le risque était moindre, car même s'il ne savait pas tout... il était certain d'avoir vu Jaden en vie et la tournure de ses phrase semblait calculée. Avec toutes les allusions... il est temps de dire les choses clairement ! Il sait !! Pensais-je, à présent convaincue. Ou du moins, les dix pourcents c'étaient transformés en un faible deux.

« Il l'était, oui. Il a été tué... sous mes yeux. Mais, je commence à croire que tu sais, comme moi, que ça à changé. Tu le sais, n'est-ce pas ? Et tu sais également pour ces attaques, que ça n'est pas des animaux. Tu l'as dit, ils sont... invisibles. » Du moins ils l'étaient sans la magie. Alors au moins, je savais qu'il n'avait pas fait en sorte de les voir. Ça c'était certain.

« Parler en énigmes, ça n'est utile que si l'autre ignore ce qui se passe réellement. Je crois qu'on se renvoie la balle pour éviter de brusquer l'autre. Est-ce que j'ai tord ? »

La question était plus directe, au moins je saurais si j'avais vu juste. Certes, en mettant les pieds dans le plat. Mais il y avait peu de chances à présent que j'ai tord, vu sa façon de parler. Et puis... je n'en avait pas trop dit non plus. J'avais tenté au mieux de reprendre ses mots ou de formuler les choses avec le plus de tact possible.

Parler plus ouvertement était risqué, mais c'était un risque mesuré depuis plusieurs minutes de cette conversation. J'avais bien fait, d'ailleurs, car sa réponse rendait la chose évidente, nous savions tous les deux pour le surnaturel. Mieux, il savait pour Jaden. La raison qui faisait qu'il savait pour le surnaturel me déplaisait un peu, car le démon avait clairement foiré sur ce point. J'aurais pu lui demander pourquoi aller le voir et prendre ce risque ? Pourquoi infliger ça à Zachary ? Mais j'avais déjà la réponse, n'est-ce pas ? C'était à cause de leur passif, de leur amour. Même si le temps passait, la douleur devait encore être là. Celle d'avoir tout perdu, leur relation y compris, quand il avait été assassiné par les démons. Ce qu'il avait fait et infligé à Zachary était mal, mais je n'étais pas certaine d'avoir le cœur de le lui reprocher.

Pourtant, j'aurais probablement du. Car il avait complètement chamboulé le monde de ce pauvre Zachary. Il ne lui avait pas seulement révéler être en vie avec cette erreur, il avait ouvert le monde surnaturel au complet. Il faut dire que la résurrection, à cet effet dans une discussion... J'essayais donc de me raccrocher à la dernière phrase du chanteur. Je préférait penser qu'il était content de savoir la vérité, plutôt que de me remémorer la première version et espérer que Jaden ai simulé sa mort. Il ne semblait pas réellement certain de ce qu'il préférait. Ce qui se comprenait ! C'était pas rien ce genre d'informations et je n'avait pas accepté ça immédiatement à l'époque, même en ayant vu ce que j'avais vu.

Il m'avait fallu des recherches, des lectures variées et... des rencontres pour comprendre davantage, ou plutôt... pour accepter. C'était ce qui m'avait poussé à créer la résistance au final. Alors, j'avais fini par m'adapter. Mais je pouvais comprendre qu'on soit dépassé et incertain face à ce genre d'informations.

J'avais écouté toutes ses paroles, intéressée et respectueuse. J'avais tiqué cela dit quand il avait parlé d'un sauveur non humain, mais n'avait toujours rien dit. Puis, il semblait avoir terminé et l'avais prouvé en s'excusant. Il n'avait pas besoin d'être désolé pour ça, c'était plus agréable de parler ouvertement que de faire l'autruche comme au début.

« Non... » Soufflais-je, la mine compatissante et un air qui voulait dire « ne t'en fait pas ».

« Tu n'en dis pas trop. On a tourné autour du pot un long moment... C'est bien qu'on puisse en parler ouvertement. Je suis également désolée que tu l'ai appris si brutalement. Je ne peux pas dire que je sais ce que c'est parce que... j'imagine que c'est différent pour chacun. Mais, je l'ai appris brutalement, moi aussi. C'est jamais simple. Alors tu as le droit d'en parler et de ne pas être certain de ce que tu en penses. »

J'étais on ne peu plus sincère. Comment lui en vouloir d'être bavard à ce sujet ? Comment lui en vouloir d'essayer de trier ses pensées et ses sentiments à ce sujet ? Je ne pouvais pas, tout bonnement.

« L'aide que tu as eu... Je suis contente qu'on t'ai aidé. Mais tu as dit pas humaine. C'est que tu ignores ce qu'étais ton sauveur, ou tu n'ose pas le dire ? Parce que... Maintenant qu'on a mis cartes sur table, autant le faire jusqu'au bout. Parce que je sais tout. Tu n'as pas besoin d'essayer de m'épargner. Je pense que si quelqu'un doit faire ça, ce serait moi. »

Je ne cherchais pas à être condescendante, c'était simplement la vérité. Sa prise de conscience du monde surnaturel était récente, pas la mienne. J'avais connaissance de nombreuses choses, parlé avec toutes les créatures qui existent ou tout comme. J'avais même signé des trêves et alliances au nom de la résistance, avec des créatures dont il ignorait possiblement l'existence. Alors... Il n'avait pas à prendre de pincettes avec moi. Soudain, j'avais réagit à une autre possibilité. Et si ça n'était pas pour me préserver moi ?

« Bien sûr, si c'est ton sauveur que tu veux préserver... Je comprendrais, tout à fait. »

Après tout, parler ouvertement du surnaturel ne signifiais pas que j'allais lui parler de la résistance et de toutes ces choses. C'était un sujet moins ouvert après tout. Il y avait des personnes à protéger, un groupe tout entier. Alors je pouvais comprendre qu'il veuille protéger des personnes de son coté, également.

« Tout ça pour dire, qu'il ne faut pas hésiter a... » Je m'étais interrompue, voyant un de mes camarades résistant sortir de l'un des véhicules. « Elena, on a reçu un appel de Gareth ! Il a besoin de nous. » Ce soir, Gareth dirigeait une équipe qui patrouillait pour protéger les habitants des khawarijs.

Ils devaient être tombés sur des chiens de l'Enfer en trop grand nombre pour demander de l'aide. C'était donc urgent. Et connaissant leur zone de patrouille pour toutes les organiser... Nous étions en effet l'équipe la plus proche.

« Je suis désolée. Je pense tout ce que je t'ai dit, mais je dois y aller. Appelle-moi à l'occasion... » Sur ce, j'avais filer pour rejoindre mes camarades qui avaient démarré les voitures en trombe. Il n'y avait pas un instant à perdre...