Je n’aimais pas ce retournement de situation. Saul n’avait plus l’attitude offensive de toute à l’heure. J’aurais préféré, j’aurais su comment réagir. A présent, il avait une voix calme et demandait simplement pourquoi en plongeant son regard dans le mien. Je haussais les sourcils et répondais machinalement que je respectais mes engagements. J’essayais de rester impassible mais il semblait vraiment méfiant, voir surpris de ma réaction. Effectivement, après la débâcle de l’autre mission, j’avais tout intérêt à redorer mon blason. Dénoncer Saul à Sytry serait la meilleure chose à faire. Après tout, je suis un Démon fidèle à son camp. Mais, j’ai aussi qu’une seule parole. Sytry voulait savoir si Riley connaissait Saul ou pas, à présent, j’en avais le cœur net. C’était tout ce qui comptait. Un marché est un marché.

-Si tu parles à qui que ce soit de cette entrevue, effectivement je risque de te réserver quelque chose de spécial, répliquais-je en souriant.

J’avais presque l’impression de retrouver mon ami d’entant. Mais vraiment presque. Je haussais un sourcil à nouveau et sortais mon sourire sadique.

-Non, juste honnête quand je donne ma parole.

Moi, un démon sadique et pervers, je respectais toujours mes promesses. C’était peut-être un des rares aspects positifs sur ma personne. Ca me causerait peut-être ma perte, mais jusqu’à présent, c’était comme ça que j’avais gagné le respect de la plupart des démons.

J’éclatais de rire quand il commença à me poser des questions. Il croyait vraiment que j’allais lui donner ce genre d’information ? C’était pas parce que j’épargnais sa tête pour le moment que j’allais devenir son allié.

-Chéri, je t’ai promis de ne pas te dénoncer à Sytry, pas de te donner des informations. Il ne faut pas pousser.

Et puis Sytry était rancunier, enfin particulièrement pour un Démon. Je le comprenais, Saul avait été son démon, au fond il devait s’en vouloir d’avoir accueilli un traitre dans ses factions. Mais je ne m’amuserais pas à le faire remarquer. Il pourrait me tordre mon joli cou.

-Et tu connais Sytry. Tu crois vraiment qu’il va laisser un traitre susceptible de contrecarrer les plans de Lucifer ? Franchement, mon chéri, le contact avec les humains t’adoucit l’âme.

Je m’approchais de lui, jusqu’à lui frôler le torse.

-Si tu veux un conseil, tu ferais mieux de fréquenter des démons. Ca ne te réussit pas, ajoutais-je d’un sourire taquin.

Je ferais mieux de partir à présent au lieu de me rapprocher de lui. C’était un traitre. Lui sauver la mise c’était une chose, rester et papoter du bon vieux temps, s’en était une autre. A la place je l’allumais ouvertement. En soit, c’était une habitude d’essayer de déstabiliser les hommes en les titillant mais Saul n’était pas un homme. C’était un Démon. J’aimerai tellement qu’il arrête les conneries et qu’il reprenne ses esprits.

-Pourquoi es-tu parti Saul ? Pourquoi as-tu quitté notre camp ? murmurais-je, d’une voix douce.

Sous-entendus, pourquoi m’as-tu quitté moi, ton amie. Nous formions une bonne équipe et j’appréciais de passer du temps avec lui. C’était un ami, un frère d’arme. Je nous considérais un peu comme Sytry et Kobal. J’avais tord. Je voulais comprendre ce qui lui avait fait changer d’avis.



   

Je commençais à regretter les paroles blessantes qu'elle me jetait au visage. Au moins, je pouvais contrôler ce genre de situation. Là, notre conversation devenait tordue et bizarre. J'étais le seul à blâmer. Il y a un temps, je lui aurai arraché la tête de ses épaules, mais là, je voulais savoir pourquoi elle agissait ainsi. J'avais l'impression qu'elle me regrettait, ou plutôt que le démon en moi lui manqué. Sauf que ce dernier était parti définitivement. J'avais des choses auxquelles m'attacher, le combat contre Lucifer et un frère jumeau. Il m'arrivait d'avoir des flash de mon ancienne vie. C'est sans doute ces visions qui réussissaient à me rendre plus humain. Ma position était pourtant pas très enviable. J'appartenais plus à rien, j'avais le cul entre deux chaises et une épée au dessus de la tête. Franchement, les temps étaient plus faciles quand j'étais une ordure. J'esquissais un léger sourire quand elle me répondit qu'elle me réserverait quelque chose de spécial si je ne respectais pas notre marché.

– Ah bon ? De quel genre ? Apparition en nuisette dans mon salon ? Avec un couteau à la main pour m'égorger ? demandais-je en étant le premier étonné de mes propos. Il était difficile de haïr une personne du jour au lendemain. J'avais été très proche de Lexa, aussi proche d'elle que de mon défunt ami Nathan Simmon. A l'époque, je pouvais lui faire confiance aveuglement. Elle me couvrait toujours auprès de Sytry... et réussissait à faire en sorte qu'il ne me punisse pas pour mon insolence.

– La seule chose qui me manque chez les démons, c'est Katie et toi... Peux-tu veiller sur elle ? Elle est encore jeune... et Sytry serait fort capable de se servir d'elle pour m'atteindre. Je sais que malgré tout, tu le feras... en mémoire de notre complicité ! demandais-je en plongeant mon regard dans le sien. Non je ne parlerai pas de Lexa a Riley. Je me contenterai de veiller sur elle, sans pour autant parler de cette conversation. J'espérai ne pas le regretter dans l'avenir... mais ça, c'était une autre histoire.

– Tu me connais. J'ai toujours voulu l'argent du beurre, le beurre et la crémière ! répliquais-je avant d'être déstabilisé par le fait qu'elle soit aussi proche que moi.

– Ne m'approche pas trop près. Je ne suis pas un eunuque... et je suis sans attache Lex'.... Pourquoi ? Parce que j'ai ouvert les yeux je pense... parce que je ne suis plus celui que tu connaissais... il y a mille raison, mais aucune que je saurai parfaitement expliquer.


   

Il répondait sur le ton de la plaisanterie. La seconde option était plus que tentente, mais pas assez tordue à mon goût. Ce que j’avais en tête était bien plus pervers. S’il venait à me trahir, je tuerai chaque personne qui lui sont chères, surtout Blondie qui a bien failli me tuer. Je les tuerais lentement et surement pour qu’il prenne bien conscience qu’on me trahissait qu’une seule fois. Pourtant, je n’avais pas envie de lui en parler. Pas maintenant, alors que j’avais l’impression de retrouver mon ami, je voulais garder mon illusion encore quelques instants.

-Tu me connais, je suis bien plus tordue que ça, murmurais-je en guise de réponse plus qu’évasive, c’était mieux comme ça.

Après ça, il essayait d’en profiter pour en savoir plus. Je ne m’en offusquais pas, j’aurais surement tenté aussi. Le plus con dans l’histoire aurait été que je tombe dans son piège. Il était hors de question que je parle des plans ou actions de Lucifer et de ses Lieutenants avec lui. Je n’étais pas stupide. Même si je soupirais, en regrettant déjà de lui avoir promis que je la protègerais. Je n’avais pas spécialement envie de le faire, mais Katie était une démone intelligente, alors je craquais.

-Surtout la crémière, rétorquais-je alors que je le frôlais sans gêne.

Encore une fois, je voulais comprendre, comprendre pourquoi il était parti et nous avait quitté. Ca réponse ne me satisfaisait pas pour autant. J’étais sure que c’était l’amour qui le poussait à être meilleur. Pourtant je voyais dans ses yeux qu’il était sérieux. Mon ami était parti, maintenant, c’était un traitre à sa race. Je ne devrais pas être ici. Je n’arrêtais pas de me le dire, même si je ne bougeais pas d’un poil, malgré son avertissement.

-C’est bien fini, alors. Il n’y a aucun moyen que je te fasse changer d’avis ?

Je ne tentais même pas de l’aguicher, parce que même s’il disait qu’il était sans attaches, ce n’était pas une partie de jambes en l’air qui allait le faire revenir auprès de nous.

-Toi qui dit être sans attaches…. Le taquinais-je en référence à ses dernières paroles.

Je trouvais ça marrant de le titiller un peu, histoire de voir s’il était toujours aussi mettre de lui, de ses émotions ou s’il devenait trop humain pour contrôler ses désirs. J’étais un démon, attaquer les faiblesses des gens était ma spécialité, et ce que j’aimais le plus faire.

-Je devrais y aller, à bientôt Saul, murmurais-je avant de me dresser sur mes pieds et lui faire un baiser sur le coin des lèvres, comme un baiser d’adieux.