Ne pas pouvoir tuer d'humains ne m'avais jamais autant manqué qu'aujourd'hui. J'avais passé la journée à traiter avec des connards qui m'avait forcé à sourire et négocier pendant des heures. Si je n'étais pas passé par les tortures de l'enfer ou en avait prodigué, j'aurais presque pu dire que ça en était. D'autant plus quand je ne pouvais pas passer ma frustration sur qui que ce soit. Quoi que... il y avait toujours des déchus neutres. C'était bien les seuls à ne pas être protégé par cette trêve. Mais, fallait-il encore en trouver. Alors que je n'aurais eu qu'a sortir dans la rue pour trouver une victime en temps normal...

Au lieu de ce programme violent, j'avais donc décidé de venir atténuer ma frustration en m'entourant de démons et autres soldats infernaux. Le bloody's était plein de démons et sorciers pactisés ce soir. Alors j'avais prit une table, faisant signe au barman de me servir et m'étais installé au fond, sur une banquette, admirant la salle au complet et la clientèle qui semblait profiter. Je pouvais percevoir les auras se mêler les unes aux autres. Reconnaissant même certaines têtes. Ça n'était pas l'enfer, mais c'était ce que je pouvais trouver de plus proche sur ce plan.

Le barman, coutumier de mes venues et sachant pertinemment qui j'étais vis à vis de son patron ou de l'enfer, avait apparemment prit sur lui de me servir rapidement. Et il avait déposé une bouteille de whisky de la réserve avec un verre, sur ma table.

« Votre préféré. Est-ce que je peux apporter autre chose ? »

« Non, c'est bon. Merci pour la bouteille. » Alors qu'il se retournais, près à partir, j'avais vu une démone entrée dans le bar et sourit, revenant sur mes paroles.

« Finalement, apportes un deuxième verre ! Je vais avoir de la compagnie ! » Le démon inférieur avait hoché la tête de manière positive avant de partir chercher l'objet, tandis que je faisais signe à Lexa de me rejoindre.

« Bonsoir, beauté. Ça faisait longtemps... »

Une autre journée à m’occuper des patients de l’hôpital. Une journée à écouter des idiots pleurnicher sur leur problèmes. Il y avait des jours ou j’avais des histoires intéressantes qui stimulaient ma matière grise et mon intérêt mais contrairement à la légende, la plupart des gens qui venaient consulter n’étaient pas fous. S’en était déprimant et suite à la trêve, je ne pouvais même pas ratisser les bars pour trouver une proie, me la faire, la torturer et la buter, tranquillement. Il me tardait presque qu’elle se termine pour que je puisse reprendre du service. Heureusement, je continuais à m’entrainer avec des démons pour garder la forme et les réflexes de combats. C’était important de ne pas perdre la face pour le futur. Une trêve était bien ce qu’elle était. Ce n’était définitif. Je m’étais douchée chez moi pour m’enlever l’odeur des humains qui me collait à la peau. J’enfilais une robe et me préparais pour aller au seul endroit qui pouvait encore me promettre des frissons : le Bloody’s. C’était un peu comme une seconde maison, je pouvais laisser le masque de l’humaine à l’entrée sans me poser des questions.

Je me téléportais et finissais dans une petite ruelle déserte à côté du bar. Arrivée à l’entrée du bar, sur le pas de la porte, je humais l’air ambiant, fermant les yeux, me délectant des auras qui se mélangeaient et la vague odeur de soufre. Un sourire s’étira mes lèvres alors que je repérais un démon, certes inférieur mais qui fera l’affaire pour ce soir. Je lui lançais un regard aguicheur en m’avançant dans le bar quand une voix très familière m’alpagua. Je tournais vivement la tête et j’oubliais instantanément le démon. Sans un regard en arrière, je réservais mon plus beau sourire à Sytry, assis à une table, seul.

-Bonsoir, Sytry, répondis-je les yeux pétillants de bonheur.
La soirée prenait de suite une autre tournure, bien plus sympa que je ne l’aurais pensé. J’avais parfaitement conscience que je ne pouvais pas me permettre un geste déplacé envers lui, mais rien ne m’empêcher de dévorer le menu des yeux.

-Je peux t’accompagner ? Demandais-je à l’instant ou le barman déposait un deuxième verre sur la table. Je le regardais partir avant de reporter mon attention vers le Lieutenant des Enfers. S’il avait été accompagné, il y aura eu un verre supplémentaire directement, j’en déduisais que c’était pour moi. Je jetais un œil aux alentours pour être sure et ne voyant pas de démone débarquer telle une chienne prenne à défendre son bout d’os, je tirais la chaise pour l’asseoir en face de lui.

-Je vois que tu es gâté, fis-je en direction de la bouteille de whisky qui me faisait de l’œil. Je lorgnais dessus comme une alcoolique alors que ça ne me faisait rien. A peine une légère chatouille quand ça descendait dans la trachée. C’était aussi pour ça que j’appréciais cette boisson.

Les bonnes habitudes ne se perdent pas, ajoutais-je, le fixant droit dans les yeux, le regard se voilant de lubricité le temps d’un instant avant de rompre le regard, déstabilisée. Ca faisait longtemps que nous nous n’étions pas vu et pourtant mon corps se rappelait à son bon souvenir comme si c’était hier que nous nous étions quitté.

Je n'avais pas prévu de voir qui que ce soit en particulier ce soir. Mais je devais bien admettre que tomber sur la démone semblait plus qu'approprié et je n'était pas du genre à me plaindre quand les coïncidences faisaient que j'étais aussi chanceux. J'avais d'ailleurs sourit en la voyant me rejoindre ; sourire qui s'était élargi quand elle m'avait salué et renchérit en demandant si elle pouvait se joindre à moi.

« Je t'ai fait signe de me rejoindre, non ? » Soufflais-je répondant à sa question, par une autre. Sans compter le verre supplémentaire que le barman avait déposé presque en même temps qu'elle avait posé sa question.

Mon humeur était déjà bien meilleure que quand j'étais entré et j'avais eu un léger ricanement quand elle avait approuvé le whisky.

« J'ai juste bon goût... Mais c'est quelque chose que tu sais déjà... » Comme pour ponctuer mes mots, j'avais détaillé sa silhouette du regard, avant de me redresser légèrement pour servir nos verres.

« Tu as raison. Et qu'est-ce que quelques mois ou un an quand on a l'éternité ? » Je souriait, terminant de la servir et poussait le verre dans sa direction.

« Quitte à être "gâté" autant faire profiter de mon bon goût, tu ne crois pas ? » Je marquais une courte pause et ajoutais avec humour :

« Qu'est-ce que disent les humains, déjà ? Santé ! » Fis-je prétendant devoir me raviver la mémoire. Cette coutume était particulière, un peu stupide et totalement inutile pour moi, comme pour la démone, mais... L'irritation et la frustration accumulé cette journée envers ces cloportes faiblissait à présent et je préférais en rire que vouloir arracher des têtes qui ne pouvaient pas être arrachées. J'avais alors avalé une gorgée de l'alcool et savouré alors qu'il coulait dans ma gorge, fermant les yeux l'espace d'une seconde. J'avais soupiré d'aise, avant d'avouer :

« Les lieux, ainsi que la compagnie aident à me détendre... Je suis comme un lion en cage en ce moment... Côtoyant des humains à tout bout de champs, sans pouvoir en tuer un seul... J'ai besoin de... lâcher prise... »

Je plongeait mon regard dans le sien, laissant un temps planer le sous-entendu contenu dans mes mots et demandait finalement :

« Et toi, dis-moi, beauté. Comment se portent les patients ? Et surtout la démone qui doit les écouter sans les éviscérer ? »