Malgré le lien constant avec Dieu et le temps qui avait passé, nous ne connaissions toujours pas la raison de ces élans de colère et de violence. Par des temps déjà dangereux et violents... je redoutais que les choses dérapent purement et simplement. Si nous ne pouvions pas déterminer la cause de tout cela, comment pouvions-nous l'arrêter ? Comment pouvions-nous prétendre arranger les choses ?

Voila pourquoi je m'étais isolé dans l'ancienne église, cherchant calme, sérénité et réponses. M'entretenir avec père par ce biais était similaire à ce qu'aurais donné un aller au paradis. Pas de réponses, pas de paroles... seulement des sensations, des ordres qui n'avaient pas besoin d'être prononcés comme le faisaient le commun des mortels. J'avais donc prit la décision de rester sur Terre, car c'était là qu'étais ma place en ces temps troubles. Et de l'interroger, de prier pour qu'il m'entende et réponde à mes inquiétudes.

« Je sais que la situation est compliquée. Mais il doit bien y avoir une solution, une façon de connaître la raison de tout cela ? »

Je me taisais, percevant une réponse qui n'était pas différente de toutes les autres. Pourtant... récemment les choses avaient changé, empirés.

« Père... nous sommes également affectés. J'ignore si l'enfer et Lucifer sont responsables, mais... Ce qui était autrefois de simples sensations dérangeantes devient des élans de colère. Des... sentiments que nous ne devrions pas ressentir. »

J'étais resté en contrôle, non pas parce que j'avais pu résister à la chose, car j'avais malheureusement cédé plus d'une fois à cette force qui sévissait. Mais parce que ces élans n'étaient venus que lors de combats avec des traitres. Je n'avais fait que me montrer plus brutal, plus implacable. J'avais cependant une frayeur...

« Sans savoir avec certitude qui est à l'origine de cette violence, comment savoir ou elle va s'arrêter ? Comment prévenir un drame ? »

J'avais tu ce que je pensais car ma pensée était tellement forte qu'il devait l'avoir perçue avant même que je ne le fasse, moi. Sa réponse n'avait pas tardé et j'avais sentit une vague intense de détermination en moi. Comme s'il m'insufflait cette dernière. Comme s'il m'assurait sa confiance.

« Qui suis-je pour douter de la confiance que tu places en moi ! » Soufflais-je avec honneur et humilité baissant le regard sur l'autel qui me faisait face.

« Mais alors eux... ? Comment les protéger de ce mal ? Quel qu'il soit ? »

La réponse de Père était pesée et des plus véridiques... Je connaissais la réponse et j'avais ainsi répété machinalement ce sentiment qui m'avait envahi. Comme si le dire à voix haute, comme le faisait les humains, rendait la chose plus vraie.

« Nous ne pouvons protéger tout le monde, en tout temps. Seulement faire de notre mieux... »

Certains nous qualifiaient, au même titre que Dieu, d'omniscients, d'omnipotents et d'omnibénévolents, mais ce n'était pas le cas. Et c'était probablement une bonne chose. Car autant de pouvoirs en un seul être était effrayant. C'était pour cela que Dieu s'était imposé des règles, nous en imposait également.

« Alors il nous faut attendre ? Avoir plus d'informations pour comprendre ? » Mes questions s'étaient perdues dans le silence de l'église, pourtant j'avais obtenu une réponse que j'avais murmuré à la suite de mes paroles. « Être mesurés et patients, car précipiter les choses ne fera qu'empirer la situation. »

Je comprenais les choix de Père, il ne pouvait agir sans raison, sans réponse à nos questions. Et je n'avais jamais douté de sa décision ou de son importance. J'étais seulement inquiet, tout comme lui de ce qui se déroulait sous nos yeux, sans qu'on ne puisse l'expliquer.

« Patient... voila un mot que je comprend et un état que j'admire. J'espère l'être, je pense l'être. Malgré tout, j'ai ce désir de protéger l'humanité, pour toi. Parce que c'est mon devoir, parce que c'est ma raison d'être. »

Toute mon existence, j'avais su ce que j'étais et pourquoi j'avais été créé. Je connaissais ma mission, mon rôle. Ce, même lorsque ces derniers s'étaient vus altérés à la chute de Lucifer. Pourtant malgré ces connaissances précises de ce que j'étais et de ce qu'IL attendait de moi... pour la première fois, j'étais inquiet. Non pas parce que je doutais de ses choix, ou parce que je doutais de sa sagesse. Mais parce que je sentais le doute en lui également.

Ignorer ce qui se déroulait sous nos yeux n'était pas normal, subir ces changements, ces sentiments qui n'étaient pas faits pour les anges... tout était dérangeant et dangereux. Mais plus encore, les souvenirs de ma dernière discussion avec Aniel me revenaient en mémoire et résonnaient dans mes pensées et ma prière à Père. Je sentit alors une réponse me parvenir, une sensation qui était différente des autres, mais qui me parvenait pourtant avec force.

« La guerre n'est pas encore perdue. Je le sais Père. Mais nous avons perdu des batailles. Et nos victoires si importantes soient-elles n'ont fait que freiné les choses... » Il avait acquiescé à mes mots, confirmant ce qu'il avait déjà laissé paraitre avant.

« Aucune nouvelle offensive... Pas tant que nous ignorons ce qui cause ces actes de violence. Pas tant que notre dernière intervention reste... ancrée dans les esprits. »

Il n'était pas question de désobéir, ni de douter de ce choix et de la sagesse qui le constituait. Mais j'avais pourtant réalisé qu'il avait répondu avant même que la pensée ne se termine dans mon esprit. Il avait compris simplement à la mention de nos victoires que je voulais tenter d'agir davantage. Comme nous l'avions fait avec les démons corrupteurs, une victoire en tout points. La vengeance qui avait suivit si désolante était-elle, ne devait rien retiré à cette victoire impactante et salutaire pour l'humanité. Même si cela ne serait que le temps que d'autres démons soient créés.

« Une nouvelle victoire comme celle-ci doit être orchestrée avec finesse et sagesse. Nous devons prendre les précautions qui s'imposent. Je les prendraient... Mais par ou souhaite tu que je commences ? »

Ma dernière question semblait insignifiante, pourtant, je me devais de lui demander quels étaient ses ordres. Il était la sagesse incarnée et ses décisions étaient toujours prisent avec l'attention et le recul nécessaire. Il ne m'appartenait pas de décider à sa place ou de prétendre pouvoir voir les choses avec la même clarté que lui.

Aussi, avais-je attendu que son ordre retentisse et j'avais opiné du chef, m'imprégnant de ses instructions aussi sûrement que j'avais perçu sa réponse.

« Trouver ces déchus n'est plus la priorité. Je comprends. Je me chargerais d'interroger ces abominations. S'ils ont des informations... je les leurs soutireraient, Père. »

Une sensation m'avait alors envahi, me forçant à réfléchir un instant. Car cette fois, il ne s'agissait pas d'un ordre ou d'une réponse, mais bien d'une question à laquelle il attendait ma réponse.

« Non. » Soufflais-je simplement, me demandant s'il m'était nécessaire d'exprimer plus en avant ce qu'il avait probablement ressentit dans cette courte réponse.

« J'ignore comment cela se passe pour les humains. Mais pour nous anges... Ces sentiments ne se sont manifestés pour moi que lors de combats. Et immédiatement après... alors que le déchu était mort... Ils cessaient. Comme s'ils étaient... irréels. Passagers. Ou... » Je m'arrêtais, percevant une réponse.

« Je ne saurais vraiment expliquer. Et en cela... tant que l'explication se perd... il me semble évident que les effets extérieurs sont a blâmer. Si cela changeait pour certains... alors je remplirait mon devoir. »

Si ma mission principale était la même que tous les autres anges, j'avais également un rôle particulier depuis la trahison de Lucifer. Et l'ordre de Père allait en ce sens. J'étais préparé, s'il le fallait, à détruire tout ange qui s'égarerait comme l'avaient fait d'autres. Car il y avait une différence entre être sujet à ces pulsions violentes et trahir. Et si ces effets inconnus prenaient sens chez certains et menaient à la trahison... alors la sentence serait comme pour les autres sans appel.

« Je trouverais des démons à interroger, mais... plus je réfléchis à cela, plus je me demande... si nous sommes affectés... n'est-il pas plus que probable qu'ils le sont également ? »

Je peinais de plus en plus à trouver une raison pour que ça ne soit pas le cas. Nos esprits, nos sentiments ne fonctionnaient pas de la même manière que ceux d'humains. Les sentiments nous étaient même étrangers en théorie, alors qu'eux... la colère, le vice... toutes ces choses ne leur étaient pas étrangères. La réponse de Père m'avait tiré de mes réflexions ; des pensées qu'il avait certainement entendu si je me fiais à la réponse que j'avais perçu. J'opinais de la tête en mettant des mots pourtant inutiles sur la sensation qu'il avait provoqué.

« Lucifer ne prendrait jamais un tel risque, en effet. Alors les interroger n'est pas dans ce but... mais dans celui de découvrir ce qu'ils savent... »

S'il fallait faire preuve de violence indépendamment de nous, alors interroger des démons serait des plus simples et tout particulièrement une mission ou il me faudrait leur soutirer des informations. Si j'étais tout à fait capable de remplir cette mission par moi même, je me devais cependant de lui poser une dernière question. Une qui résonnait probablement tellement en moi, que je n'avait pas eu le temps de formuler cette dernière pour obtenir une réponse. Haiaiel ne descendrait pas de nouveau sur Terre, pas dans l'immédiat, puisqu'il aidait toujours Père à organiser nos défenses et notre armée. Je signifiais comprendre la chose et soufflais un dernier mot pour clôturer ma prière, baissant le regard sur le sol délabré de l'église.

« Père... »